Qu'en est-il ailleurs ? Les autres sépultures mégalithiques connues en France sont beaucoup moins anciennes. Elles ne remontent pas au néolithique, comme en Bretagne, mais à l'âge du bronze. Les ensembles de Grande-Bretagne et d'Irlande ne sont pas antérieurs à 3000 avant J.-C. Dans la péninsule Ibérique, aucune date n'est encore connue pour les dolmens du sud de l'Espagne ; en revanche, on dispose d'un résultat pour le Portugal. Une méthode de datation applicable aux poteries, la datation par thermoluminescence, fournit en 1974 une date de – 4300 (environ 2300 avant notre ère). Bretagne et Portugal se trouveraient donc à peu près sur le même rang ; ce sont les deux seuls candidats qui restent en lice pour l'invention de cette civilisation et des premiers monuments de pierre.

Cette percée chronologique entraîne un changement radical de conception. L'origine des constructions mégalithiques était toujours recherchée du côté de la Méditerranée orientale, vers l'Égypte en particulier. Mais les grandes pierres de l'Ouest européen ayant, au minimum, un millénaire de plus que les pyramides égyptiennes, on est obligé d'envisager pour le mégalithisme une origine atlantique, locale.

Les recherches de ces dernières années ont d'ailleurs donné un grand relief aux différences entre régions et aux évolutions qui se sont déroulées sur place. Le matériel archéologique le plus ancien dans les dolmens change complètement d'une région à l'autre, non seulement du Portugal à l'Irlande ou à la Scandinavie, mais même de la Bretagne au Poitou. Il n'y a pas une civilisation mégalithique, mais plusieurs.

Évolution

Les recherches n'éclairent pas seulement la question des origines. Le matériel recueilli, en liaison avec les datations, permet d'établir une chronologie des formes, pour la Bretagne en particulier. Les dolmens les plus anciens sont ceux qui possèdent une chambre simple, bien individualisée, et un couloir assez long. La chambre peut être ronde, de préférence, ou rectangulaire. À noter que, bien souvent, ces monuments ne sont pas littéralement mégalithiques : ils sont construits en pierres sèches de taille tout à fait ordinaire.

Au cours d'un second stade, on assiste à la complication des chambres funéraires : elles s'adjoignent des cellules latérales, avec certaines différences entre les solutions retenues par les diverses régions. L'architecture mégalithique connaîtrait une sorte d'apogée vers 3000 avant notre ère. Puis les structures tendent à se simplifier et les différences régionales s'accusent. Le stade ultime, au néolithique final, est celui des monuments appelés allées couvertes, réduits à un long couloir.

Restauration

Les recherches ont permis de reconstituer, au moins en partie, l'allure extérieure de ces monuments. La table de pierre (c'est bien souvent ce qu'il reste des dolmens, aujourd'hui) n'est qu'un vestige. À l'origine, couloir et chambre étaient noyés dans une masse de pierre parfois considérable, prenant à l'extérieur la forme de véritables parements. Des restaurations au moins partielles ont été possibles, restituant à des dolmens ou à des ensembles de dolmens leur allure véritablement monumentale. Il faut citer en particulier l'ensemble de Barnenez, sur la commune de Plouezoc'h, dans le Nord-Finistère, ou encore celui de Fontenay-le-Marmion, dont la restauration est en cours.

On ne connaît pas grand-chose encore des habitats correspondant aux sépultures mégalithiques. Par contre, on a trouvé des ateliers de taille et des carrières. À Plussulien, dans les Côtes-du-Nord, les restes des activités d'extraction, de taille et de polissage atteignent une dimension que l'on a pu qualifier d'industrielle : ils couvrent une centaine d'hectares. On peut y retrouver une progression des techniques, ainsi qu'une aptitude croissante à manier les grosses pierres.

Astronomie

C'est à l'équipe du Pr Giot, qui dépend du CNRS, que l'on doit une grande partie de ces recherches. Mais les mégalithes ont fait aussi parler d'eux pour d'autres raisons. Les problèmes d'orientation des monuments, les rapports des cercles et des alignements mégalithiques avec le lever de la lune ou celui du soleil ont fait l'objet de nombreuses suppositions fantaisistes, mais aussi de quelques travaux sérieux. Après avoir étudié les cercles de pierres d'Écosse et avoir découvert l'unité de mesure employée dans leur construction (le yard mégalithique), le Pr Thom, ces dernières années, a longuement travaillé sur les célèbres alignements de Carnac. Selon lui, le plan de ces constructions montre un usage intensif et précis du triangle rectangle, en particulier pour les changements de direction des rangées. Les alignements ont dû faire partie de tout un ensemble destiné à viser les points du lever et du coucher de la lune ; certaines pierres levées isolées, plantées sur des lieux plus élevés, devaient servir de mire. Non loin de Carnac, à Locmariaquer, se trouve le grand menhir brisé. Cette pierre pouvait servir de mire à huit sites différents, tous situés à plusieurs kilomètres. Selon le Pr Thom, on pouvait alors, de chacun de ces huit sites, observer l'une des huit positions extrêmes que la lune peut occuper sur l'horizon.

La conservation des peintures rupestres

La fermeture de la grotte de Lascaux depuis 1963 a sensibilisé les milieux de la préhistoire et de la conservation. Dans la grotte de Niaux (Ariège), une nouvelle galerie est découverte en décembre 1970 (Journal de l'année 1970-71). Longue d'environ 1 000 mètres, elle contient des peintures et de nombreuses traces de pas préhistoriques. Décision est prise de la refermer et d'y placer des instruments permettant d'en étudier le climat. Une connaissance poussée de ce climat et de son évolution permettrait peut-être de comprendre dans quelles conditions les peintures rupestres préhistoriques ont pu se conserver.