L'injection des électrons au-dessus des Kerguelen a déclenché, une demi-seconde après, une aurore polaire artificielle au-dessus de Sogra. Les chercheurs français et soviétiques installés à Karpagor, non loin de Sogra, dans la station mobile d'observation, ne sont pas sûrs d'avoir distingué une luminosité spéciale (le ciel était assez couvert), mais ils ont enregistré tous les signes électromagnétiques caractéristiques des aurores polaires.

ARAKS permet également de mieux localiser le point conjugué magnétique situé en territoire soviétique. On connaissait la position de ce point à 100 km près ; maintenant la précision devrait être améliorée, ce qui permettra de parfaire le modèle de la magnétosphère.

Enfin, l'expérience franco-soviétique, irréalisable en laboratoire, aide à mieux comprendre le comportement du plasma. Les deux lanceurs sont des fusées Eridan du Centre national d'études spatiales (CNES) ; les canons à électrons sont soviétiques.

Océanographie

Famous : mission accomplie

La deuxième (et dernière) phase du programme Famous (French-American Mid-Oceanic Undersea Study) se déroule dans l'Atlantique, à quelque 670 kilomètres au sud-ouest de l'île Sao Miguel (Açores), pendant l'été 1974. La première phase avait eu lieu l'été 1973 (Journal de l'année 1973-74).

Le bathyscaphe Archimède, la Cyana (ex-Soucoupe plongeante 3000) et le petit submersible américain Alvin ont réussi 42 plongées scientifiques. Elles ont permis aux spécialistes, passagers de ces engins sous-marins, de vérifier plusieurs hypothèses et de confirmer certains résultats acquis en 1973.

Les basaltes formant la nouvelle croûte océanique superficielle se mettent bien en place, par des émissions fissurales, dans la partie centrale de la vallée axiale des dorsales subocéaniques. Dans la région de la dorsale médioatlantique étudiée par Famous, cette zone d'accrétion est large d'environ 1 kilomètre. Le taux moyen d'expansion des fonds océaniques y est de 5,8 cm par an.

De part et d'autre de cette zone centrale, mais encore dans la vallée axiale, une tectonique d'expansion donne naissance à une structure faite de blocs surélevés (horsts) ou effondrés (grabens).

Cisaillement

Les failles transformantes qui hachent la dorsale en segments décalés les uns par rapport aux autres sont bien des zones de cisaillement le long desquelles deux plaques voisines, animées chacune d'un glissement horizontal de sens opposé, frottent l'une contre l'autre.

Famous 1974 a aussi permis une première : l'observation directe de deux sorties hydrothermales situées dans une faille transformante, et dont l'existence était seulement soupçonnée. Les eaux sortent très chargées en sels minéraux (de fer et de silice, avec un peu de manganèse) et donnent naissance, autour des bouches émissives, à des dépôts minéraux dont l'épaisseur peut atteindre 1 mètre.

Abandon

Le programme Famous prouve que, dans l'état actuel des techniques, les petits sous-marins sont des outils irremplaçables. Seuls ils permettent de voir les phénomènes sous-marins et de choisir le lieu des prélèvements d'échantillons (66 prélèvements effectués en 1973 et 1974). Malheureusement, ni le Centre national pour l'exploitation des océans (CNEXO) ni la Marine nationale (cobailleurs de fonds du bathyscaphe) ne peuvent prélever sur leur budget de 1975 les 1,5 ou 2 millions de francs nécessaires à la poursuite de l'activité (même réduite) de l'Archimède. Le bathyscaphe, depuis son retour des Açores, est à l'abandon dans l'arsenal de Toulon. Cette retraite provisoire ne risque-t-elle pas de se transformer en retraite définitive ? Ce serait d'autant plus regrettable que l'Archimède est actuellement le seul engin au monde capable de plonger dans les plus grandes profondeurs océaniques (11 000 m environ) et que les États-Unis viennent de remettre en service le Trieste-II, seul autre bathyscaphe existant, mais qui ne peut dépasser la profondeur de 6 000 mètres.

Une expérience record de plongée profonde

Dans les caissons de la COMEX (Compagnie maritime d'expertises), une expérience record de plongée profonde, baptisée Sagittaire-IV, est menée à Marseille, du 16 juin au 9 juillet 1974. Deux hommes vivent 50 heures sous une pression de 62 bars, égale à celle qui règne à la profondeur de 610 mètres. La même pression avait été atteinte le 24 mai 1972 au cours de l'expérience Physalis-VI, réalisée elle aussi à la COMEX (Journal de l'année 1971-72). Mais le séjour des deux plongeurs à cette profondeur fictive n'avait duré que 80 minutes. Pour Sagittaire-IV, la mise en pression s'est étirée sur 261 heures, entrecoupée de très nombreux paliers. La décompression, très progressive elle aussi, a duré 233 heures. L'expérience montre que le travail humain est possible à des profondeurs de 500 ou de 600 mètres, mais qu'une séance de travail sous 500 ou 600 mètres d'eau, même courte, doit être obligatoirement précédée d'une très longue mise en pression et suivie d'une très longue décompression.

Des algues géantes sur les côtes bretonnes ?

Une algue géante, Macrocystis pyrifera, originaire des eaux chiliennes ou californiennes, sera-t-elle introduite sur les côtes bretonnes ? L'Institut scientifique et technique des pêches maritimes (ISTPM) en a eu l'idée, de façon à permettre le développement de l'industrie française des alginates. Ceux-ci, constituants des parois cellulaires des algues brunes, ont de multiples emplois (vernis, isolant électrique, émulsionnant, pâtes pour empreintes dentaires). Les algues brunes des rivages français ne dépassent guère deux ou trois mètres de long, alors que Macrocystis pyrifera est faite de lanières parfois longues de 50 mètres. L'algue géante est très prolifique, chaque plante pouvant engendrer annuellement plusieurs millions de nouvelles plantes, et sa croissance est très rapide (jusqu'à 30 cm par jour). Enfin, elle s'accommode d'eaux de températures variées (de 2 °C ou 4 °C à 20 °C ou 23 °C). Des scientifiques français (Claude Delamare-Deboutteville, professeur d'écologie générale au Muséum national d'histoire naturelle, et René Delépine, maître assistant à l'université de Paris-VI) et européens s'inquiètent beaucoup de ces projets. On n'est pas sûrs, disent-ils, de pouvoir contrôler l'extension de Macrocystis pyrifera, qui pourrait infester toutes les côtes de l'Ancien Monde, depuis la Mauritanie jusqu'à la Norvège. Tout l'équilibre de la frange littorale serait bouleversé (la frange littorale est une zone fragile, mais essentielle à l'ensemble du milieu marin) et l'économie des régions côtières serait perturbée.

La conférence des Nations unies sur le droit de la mer

Dix semaines de discussions à Caracas (20 juin-29 août 1974) et huit à Genève (17 mars-9 mai 1975) n'ont pas suffi à la conférence des Nations unies sur le droit de la mer pour définir un nouveau statut juridique de l'ensemble des océans.