Aucun architecte n'est désigné. Ce rôle revient à la SEMAH, société d'économie mixte qui aménage le secteur des Halles. En accord avec le gouvernement, Christian de la Malène, conseiller de Paris (UDR) et président de la SEMAH, demande le 23 mai 1975, à Émile Aillaud d'assumer la responsabilité de l'aménagement de la surface de l'ancien carreau des Halles en compagnie de R. Bofill et de B. de la Tour d'Auvergne. Connu pour ses constructions sociales, notamment la Grande Borne à Grigny (Essonne), E. Aillaud, 73 ans, est aussi l'auteur des immeubles-miroirs qui doivent couronner la colline de la Défense.

Le débat sur l'urbanisme dans le centre de la capitale n'a pas eu lieu. Quelle architecture sortira des cartons de cet étrange triumvirat ?

Nouvelle politique

Après avoir mis un holà fracassant à la construction de la voie express rive gauche et à celle du centre de commerce international aux Halles, V. Giscard d'Estaing définit, dans une lettre adressée au Premier ministre, Jacques Chirac, le 24 septembre 1974, les grandes lignes d'une « politique urbaine nouvelle » pour la capitale, et précise les objectifs qui devront être atteints après une « étroite concertation entre les pouvoirs publics et la Ville de Paris » (une commission élus-Administration travaille sur ces données et sur un rapport établi par Raoul Rudeau, directeur de l'Aménagement foncier et de l'urbanisme à la Préfecture de Paris) :
– moins de bureaux : « Une pause devrait être observée, écrit V. Giscard d'Estaing, concernant la construction de bureaux dans Paris, au cours des prochaines années. » Ce n'est pas la première mise en garde officielle contre la prolifération des bureaux dans la capitale, progression toutefois freinée par la crise qui sévit depuis quelque temps. Il est question d'interdire strictement la transformation de logements en bureaux et de contrôler sévèrement les autorisations de bureaux en blanc, ceux dont l'utilisateur n'est pas connu. R. Rudeau propose de retenir seulement le secteur de Bercy comme nouveau pôle d'affaires pour équilibrer le développement de la capitale à l'est ;
– restauration plutôt que rénovation : « Les opérations d'aménagement qui seront entreprises devront respecter, dans toute la mesure du possible, le caractère actuel des quartiers de Paris et maintenir ou rétablir la possibilité d'y résider pour les diverses catégories sociales : cela implique que la part des actions de restauration soit accrue par rapport aux actions dites de rénovation. »

Pour répondre au désir de l'opinion publique, l'Administration envisage de freiner l'édification des tours. Une bonne centaine sont déjà construites dans Paris et la plus haute est celle de Maine-Montparnasse (210 m). Près de la place d'Italie, doit s'élever la tour Apogée (176 m, 90 000 m2 de bureaux).

Après de longues tergiversations, les pouvoirs publics décident qu'elle ne dépassera pas une centaine de mètres, afin de ne pas être visible des berges de la Seine. Apogée est rabotée. Son nom de baptême ne lui a pas porté chance.

Dans le même temps, un coup d'arrêt est donné à l'opération de rénovation privée du secteur Italie. Trente-trois des cinquante tours prévues sur 870 hectares, dans le 13e arrondissement, sont déjà construites. Le ministre de l'Équipement, Robert Galley, demande qu'on maintienne une partie des immeubles existants pour terminer l'opération. C'est la première application pratique du principe énoncé par le chef de l'État.

Mais on peut se demander si cette remise en cause, aux trois quarts du parcours, d'une rénovation confiée par la ville au secteur privé ne fait pas l'affaire des promoteurs, qui ont réalisé le plus facile. Les équipements publics et les logements sociaux ont suivi avec lenteur la construction des immeubles de standing. La nouvelle orientation ne risque-t-elle pas d'accentuer encore ce décalage ?

Pour venir à bout des secteurs insalubres de la capitale (1 000 ha, selon certaines statistiques), de nombreuses zones de rénovation ont été délimitées dans les arrondissements périphériques de la capitale : secteur Italie (13e), Hauts-de-Belleville (19e), Front de Seine (15e), Plaisance-Vandamme (14e), Saint-Biaise (20e), etc. Constructions en hauteur, éclatement des rues traditionnelles, équipements collectifs tardifs, éviction des habitants anciens, les inconvénients de la rénovation-bulldozer sont aujourd'hui connus. Méthode plus douce et plus délicate, la restauration ne garantit toutefois pas automatiquement le maintien des occupants ;