Architecture

Coup d'arrêt au gigantisme et protection du patrimoine historique

Le public supporte de moins en moins bien les villes qu'on lui fabrique depuis vingt ans. Les responsables l'ont-ils compris, ou bien la crise économique les encourage-t-elle dans le sens de la modération ? Toujours est-il que cette année est marquée par de solennelles remises en cause, par une certaine humilité devant le patrimoine existant, une crainte d'aller trop vite qui tranche avec la foi dans le progrès technique et industriel de la période précédente.

Décisions spectaculaires et orientations officielles annoncent la fin du gigantisme, qui est aussi réclamée de plus en plus fortement par les très nombreuses associations d'habitants.

Orientations

Fraîchement installé à l'Élysée, Valéry Giscard d'Estaing, attentif à la révolte rentrée des citadins, définit une sorte de nouvelle politique urbaine : abandon du projet de centre de commerce international aux Halles en août 1974, directives pour l'aménagement de la capitale en septembre, pour le développement de la région parisienne et des villes nouvelles en janvier 1975 ; tandis que Michel Guy, secrétaire d'État à la Culture, annonce son intention de veiller au développement harmonieux du centre de cent villes françaises et de mieux protéger le patrimoine architectural des xixe et xxe siècles.

Pendant que ces orientations nouvelles sont définies et qu'apparaît une volonté de modération, certains grands projets sortent tout de même de terre et plusieurs grandes opérations d'urbanisme se mettent à ressembler aux maquettes d'origine.

On continue à construire des tours au Front de Seine à Paris, dans le quartier d'affaires de la Défense où la tour Fiat (200 m de haut), toute de marbre noir, est terminée et où les projets d'immeubles-miroirs conçus par l'architecte Émile Aillaud dorment dans les cartons, faute de promoteurs pour les construire.

À Créteil (Val-de-Marne) s'ouvre la maison de la Culture, dans l'un des plus grands chantiers de la région parisienne, sorte de ville nouvelle qui n'en a pas le statut.

À Lyon, le secrétaire d'État à la Culture inaugure en février l'auditorium Maurice-Ravel, énorme mâchoire de béton qui abrite, dans le quartier d'affaires de la Part-Dieu, une salle de concert de 2 055 places.

Au cours de cette année de réflexion, les remises en cause et les coups de frein sont toutefois plus nombreux que les réalisations.

Le xixe siècle sort du purgatoire

Michel Guy se penche aussi sur le passé proche de l'architecture. Il annonce, le 1er octobre 1974, que le nombre des monuments historiques postérieurs à 1815 va doubler. Quelque deux cents édifices vont être distingués et, du même coup, protégés : à Paris, la Bourse du commerce, la salle de lecture de la Bibliothèque nationale, l'Hôtel de Ville, l'atelier de Georges Braque (construit par Auguste Perret, rue du Douanier), les grands magasins du boulevard Haussmann, la gare du Nord, l'église Notre-Dame-du-Travail, rue Vercingétorix, les hôtels de Mallet-Stevens (16e), etc. ; le grand casino de Vichy, l'hôtel de ville d'Ambert (Puy-de-Dôme), la basilique de Sainte-Anne-d'Auray (Morbihan), le Familistère Godin à Guise (Aisne), des immeubles modern style à Strasbourg et à Colmar, la gare et l'hôtel des postes construits par les Allemands à Metz (Moselle), des châteaux et des maisons, des ponts, des mairies et des gares. En manifestant son souci de protéger l'architecture récente de la pioche des démolisseurs, Michel Guy donne satisfaction aux associations de plus en plus nombreuses et actives qui défendent le patrimoine monumental. La création contemporaine est, en revanche, de plus en plus mal accueillie. À Reims, par exemple, après une campagne de protestation vigoureuse et malgré une étude minutieuse du projet, l'immeuble qui devait abriter la cour d'appel, à côté de la cathédrale des sacres, ne sera pas construit.

Les Halles

Depuis bientôt dix ans, le dossier des Halles tient presque chaque année le devant de la scène : bataille pour la conservation des pavillons de Baltard en 1970 et 1971 (Journal de l'année 1970-71) ; choix entre la maison du spectacle et le centre de commerce international en 1972, sans oublier, avant 1968, les six maquettes qui devaient transformer 35 hectares du centre de Paris en un nouveau Manhattan.