Précision importante : cette politique est de plus en plus celle d'un seul homme, Nicolae Ceaucescu, 57 ans, qui entend incarner totalement son pays. Chef de l'État et chef du parti communiste, il parachève une action entreprise en 1965 au moment où il succède à Gheorghiu Dej : établir un pouvoir suffisamment fort pour décourager les pressions du dehors et permettre de maintenir avec succès une parfaite indépendance. Un événement saillant : le XIe Congrès (2 450 délégués et 133 représentants étrangers) qui se tient du 23 au 27 novembre 1974 à Bucarest. Tout en confirmant ce qu'on en attendait : renforcement du rôle dirigeant du Parti et mise en œuvre d'un plan national unique, il suscite deux surprises. D'abord, le refus de N. Ceaucescu (réélu à l'unanimité pour cinq ans) d'être nommé secrétaire général à vie (dix jours auparavant, il savait qu'une telle proposition lui serait faite et il n'avait soulevé aucune objection). Ensuite, la création, au comité central, d'un bureau permanent composé de cinq hommes.

Objectifs

Cette instauration (inconnue dans les autres pays de l'Est) semble faire partie d'une opération à triple objectif poursuivie depuis longtemps : renouvellement de la direction du Parti par la mise à l'écart de la plupart des anciens dirigeants ; concentration plus marquée encore du pouvoir entre les mains de N. Ceaucescu. À l'origine, en effet, ce bureau devait rassembler quinze ministres ou hauts fonctionnaires. Outre N. Ceaucescu, ils ne sont plus que quatre, fidèles parmi les fidèles, dont le Premier ministre, Manea Manescu. Leur rôle ? Ils doivent coordonner les activités de l'État et du PC, et concourir ainsi à atteindre le 3e objectif : l'imbrication de plus en plus poussée du Parti et du pays.

Les élections générales ont lieu le 9 mars 1975 ; 99,96 % des 14,9 millions d'électeurs (qui pouvaient même voter par téléphone de l'étranger) désignent leurs 349 représentants au Parlement et les 50 000 membres de conseils populaires locaux. Fait nouveau : dans 139 circonscriptions (sur 349), deux candidats (du même parti unique) s'affrontent. Mais ni les leaders du Parti ni la presse n'expliquent les différences qui les séparent.

Sur le plan économique, les difficultés auxquelles se heurtent l'industrie et, surtout, l'agriculture, amènent les dirigeants à élaborer un plan quinquennal (1976-1980) moins ambitieux que les précédents. Si l'on a enregistré en effet, en 1974, 12,5 % de hausse de la production nationale nette par rapport à 1973, la production agricole, elle, a eu une croissance zéro. Quant à l'industrie (avec 15 % d'expansion), elle n'atteint pas non plus l'objectif du plan actuel : une augmentation de 16,7 %. Le salaire réel moyen a peu progressé : 4,4 %. Ce qui explique peut-être les incidents et les sabotages dans divers usines et centres miniers à la fin de 1974.

Ouverture

Fondée sur le principe du dialogue tous azimuts, la politique étrangère est marquée par une ouverture de plus en plus grande vers la Chine, l'Occident et le Proche-Orient. À l'occasion de ses visites hors des frontières ou des réceptions à Bucarest, N. Ceaucescu ne cesse de répéter, avec plus de force que jamais, la nécessité pour chaque État de jouir d'une parfaite souveraineté, d'une totale indépendance politique et économique, rappelant ainsi, à Moscou, ses positions.

Les relations entre ces deux pays se sont notablement améliorées ces derniers mois (entretien avec A. Kossyguine lors du XXXe anniversaire de la Libération, venue de Kirilenko au XIe Congrès, visite de Georges Macovescu, le ministre roumain des Affaires étrangères en Union soviétique). Les désaccords demeurent néanmoins : sur l'opportunité de la conférence des PC à Berlin ; sur certains aspects de la conférence de Genève ; sur la sécurité et la coopération en Europe ; mésentente sur une coordination de l'action idéologique avec les autres PC ; différend à propos de cette voie de passage vers la Bulgarie que l'URSS voudrait obtenir pour ses armées à travers le territoire roumain ; désaccord, enfin, sur la Chine.

Proche-Orient

L'ouverture vers l'Ouest se poursuit. H. Kissinger est à Bucarest en novembre 1974, G. Macovescu le même mois à Paris, où il signe avec la France deux conventions d'entraide judiciaire et reçoit l'acceptation de Giscard d'Estaing de venir en Roumanie. En juin 1975, visite de N. Ceaucescu aux États-Unis, avec escale, au retour, en Angleterre. Quelques jours plus tard, le numéro un roumain reçoit à Bucarest le président portugais, Costa Gomes.