Le Premier ministre du Canada, P. E. Trudeau, connaît à son tour, le 13 mars, les secousses d'un important scandale : 13 hommes d'affaires des provinces de l'Ontario, du Québec et de la Colombie britannique sont accusés de conspiration dans le dessein de frauder l'État fédéral de quatre millions de dollars, en exécutant pour le compte du gouvernement libéral des travaux de dragage dans des ports et des cours d'eau. Huit autres personnes, de hauts fonctionnaires fédéraux et ontariens pour la plupart, répondent également à des accusations de corruption relatives à cette affaire. Mêlé dans ce scandale, le ministre fédéral du Travail, John Munroe, remet sa démission au Premier ministre, qui la repousse et refuse d'ouvrir une enquête publique.

Un « Bobigny » canadien

Le docteur Henry Morgentaler, un gynécologue montréalais né en Pologne, contre qui la Cour suprême du Canada maintient une condamnation de dix-huit mois de prison pour avoir pratiqué un avortement illégal sur une jeune étudiante noire, soulève un débat empreint d'émotion sur la condition des femmes canadiennes. D'abord acquitté par un jury québécois le 15 novembre 1973, puis reconnu coupable par la Cour d'appel du Québec en avril 1974, le docteur Morgentaler avoue avoir sauvé plusieurs centaines de femmes de la mort et épargné à plusieurs milliers d'autres, grâce à l'avortement, des souffrances, des humiliations et du stress. Il n'en fallait pas plus pour que des mouvements canadiens en faveur ou contre l'avortement prennent position. Certains font alors valoir que sa condamnation permet le maintien des lois qui interdisent l'avortement, tandis que d'autres exigent l'abrogation de ces dernières, en se fondant sur un sondage, selon lequel 62 % des Canadiens seraient favorables à une plus grande souplesse en ce domaine. Au Parlement fédéral, les avis sont partagés, mais le ministre de la Justice, Otto Lang, déclare qu'il n'a nullement l'intention d'user de son pouvoir de clémence dans le cas du docteur Morgentaler, ni, pour l'instant, d'abroger les lois sur l'avortement. À Toronto, un mouvement antiavortement se réjouit de cette décision qu'il qualifie de victoire pour les femmes, lesquelles seront désormais protégées de l'exploitation des avorteurs et de la prolifération de leurs cliniques.

La tuerie du « Gargantua »

Le meurtre de 13 personnes, le 21 janvier 1975, évoque par son horreur le massacre de la Saint-Valentin commandé par Al Capone, en 1929, à Chicago ; l'opinion publique canadienne est émue par la lutte des bandes rivales de la pègre. Ce crime, le pire des annales criminelles du Canada, est perpétré au bar Gargantua, à Montréal. Les victimes (dont le patron du bar, tué d'une balle dans la tête) sont enfermées dans un réduit bloqué par un lourd juke-box, auquel les assassins mettent le feu. Richard Blass, dit le Chat, âgé de 29 ans, reconnu comme l'instigateur de cette cruelle tuerie, est abattu par les policiers le 24 janvier à la suite d'une dénonciation.

Europe

Pour faire contrepoids à l'influence excessive des États-Unis sur l'économie canadienne, aux prises avec la récession, le gouvernement d'Ottawa stimule la tierce option stratégique d'une diversification des relations internationales du Canada vers l'Europe, particulièrement dans le désir d'établir des liens contractuels avec la Communauté économique européenne (CEE).

Dans le cadre de cette politique, le Premier ministre P. E. Trudeau amorce, le 21 octobre 1974, à Paris, une série d'entretiens de deux jours avec les dirigeants de la France, dans une atmosphère d'autant plus chaleureuse que le Canada a consenti, depuis quelques années, à tourner la page sur les incidents diplomatiques provoqués par le général de Gaulle en 1967 (Journal de l'année 1967-68).

Les conversations entre le Premier ministre P. E. Trudeau, son homologue français Jacques Chirac et le président Valéry Giscard d'Estaing portent essentiellement sur les échanges économiques et techniques entre les deux pays. Des accords permettent la création d'un groupe mixte de travail pour définir les conditions dans lesquelles les Canadiens et les Français pourront s'associer dans les secteurs de l'énergie, dont le nucléaire, et de l'industrie. De part et d'autre, on souhaite également le développement et la diversification des échanges commerciaux, ainsi qu'un accroissement des investissements français au Canada, sans qu'il ne soit pour autant question d'un éventuel soutien de la France aux projets économiques du Canada vers la CEE.