Sur les 10 millions de rhumatisants américains, 4 millions et demi sont atteints d'arthrite et 26 % doivent changer d'emploi du fait de leur mal.

En France, la situation est comparable : au moins 2 millions et demi de malades qui, en frais de traitement, d'hospitalisation, d'invalidité, constituent le dixième du budget social de la nation. En 1972, les maladies rhumatismales ont été la cause de 26 millions de journées de travail perdues. En dix ans, l'incidence de la maladie a augmenté de 30 % ; en tant que maladie de longue durée, son taux est passé de 4,8 à 6,1 % en quatre ans, et le taux d'invalidité qu'elle entraîne, de 9,6 à 10,6 %. Les rhumatismes occasionnent 8 % de l'ensemble des consultations médicales en France ; mais on estime que seulement 50 % des cas sont diagnostiqués et 30 % traités.

Les maladies rhumatismales atteignent de plus en plus les sujets jeunes, c'est-à-dire ceux dont les activités sont le plus productives pour la société. Selon le professeur Stanislas de Sèze, dont le service spécialisé de Lariboisière reçoit chaque année 25 000 consultants de rhumatologie, c'est une grave erreur de croire que les maladies rhumatismales sont l'apanage de la vieillesse : sur 100 malades adultes hospitalisés dans un service pour affections rhumatismales, 23 ont moins de cinquante ans.

Certaines affections, comme le lumbago à rechutes et la sciatique récidivante, sont certes des maladies de la quarantaine, mais la spondylarthrite ankylosante frappe surtout les garçons de quinze à vingt-cinq ans.

Causes

Classiquement, on distingue cinq catégories de rhumatismes : les rhumatismes dégénératifs ou mécaniques ; les rhumatismes infectieux (comme les arthrites infectieuses, par exemple) ; les rhumatismes inflammatoires (comme la polyarthrite, les connectivités, la spondylarthrite ankylosante) ; les rhumatismes métaboliques ou microcristallins (goutte, chondrocalcinose) ; les rhumatismes nerveux (tabès, syringomyélie). À ces cinq groupes s'ajoute une forme bien déterminée, le rhumatisme articulaire aigu ou maladie de Bouillaud.

L'étude des causes des rhumatismes pose des problèmes semblables à ceux qu'on rencontre avec le cancer : plusieurs facteurs peuvent intervenir, et il est difficile de démêler lequel est déterminant. Pour quelques formes, on a avancé l'hypothèse de l'existence d'agents bactériens ou viraux ; elle paraît vraisemblable pour les premiers, insuffisamment fondée pour les seconds. Un facteur héréditaire existe peut-être dans la spondylarthrite ankylosante, mais il n'a été mis en évidence jusqu'à présent dans aucune forme de rhumatisme.

L'environnement, notamment les conditions météorologiques, joue un rôle important dans le déclenchement de certaines crises douloureuses. Certains traitements requièrent des régimes alimentaires et l'observation de règles d'hygiène très strictes.

Enfin, comme pour les maladies cardio-vasculaires et le diabète, l'obésité est un facteur aggravant. L'étude épidémiologique des maladies rhumatismales procure des surprises : comment expliquer que la polyarthrite rhumatoïde ait une fréquence à peu près comparable parmi les populations de niveau de vie semblable dans toutes les parties du monde, alors que le syndrome de Behcet (affection qui associe des symptômes articulaires et oculaires à une aphtose péri-orificielle), rarissime en Europe, est très répandu au Japon ? Là encore, l'existence d'un virus est incriminée.

Traitements

En thérapeutique antirhumatismale, la cortisone et les corticoïdes continuent de perdre du terrain. Après avoir été salués comme des armes majeures contre l'inflammation rhumatismale, tous les médicaments de ce groupe, de la prédnisone à la dexaméthazone, ne sont plus employés qu'avec précaution en raison des effets physiologiques indésirables et des accidents secondaires qu'on leur impute, sans oublier la dépendance où ils tiennent de nombreux malades.

Les corticoïdes sont encore prescrits à des doses soigneusement calculées, qu'il importe de ne pas dépasser, aux malades qui en ont fait leur pain quotidien, à ceux pour qui ces produits constituent la suprême escalade thérapeutique quand ils présentent de grosses poussées rhumatismales, ou encore quand ils sont réduits à l'état grabataire.