L'homme

Archéologie

Un nouvel outil pour les chercheurs, l'ordinateur

Avec le projet de la vallée de l'Aisne, les années 1973 et 1974 ont vu mettre sur pied une entreprise archéologique d'un genre entièrement nouveau, au moins pour la France. Recourant à la mathématique et à l'informatique, cette archéologie rénovée atteint une vision beaucoup plus complète des sociétés passées, et elle arrive à s'intégrer au mouvement général de recherche et de développement.

Informatique

Le projet de la vallée de l'Aisne est l'œuvre du D^r Bohumil Soudsky, connu pour les fouilles qu'il a conduites dans le village néolithique de Bilany, près de Prague. Les méthodes mises au point à Bilany vont être appliquées et développées dans l'Aisne. C'est la première fois que la fouille de sites néolithiques sur de grandes surfaces, couramment pratiquée en Tchécoslovaquie, en Allemagne, en Hollande, peut se faire en France. Déjà, le site de Cuiry-lès-Chaudardes a livré plusieurs maisons néolithiques sur une surface décapée de 2 500 m².

L'archéologie recourt depuis longtemps aux services d'autres disciplines. Un préhistorien qui ne pourrait faire étudier les sols, la faune ou les pollens du site qu'il fouille se considérerait aujourd'hui comme aveugle. D'autre part, l'analyse chimique et physique des objets donne des informations irremplaçables sur leur fabrication ou leur provenance, et l'on sait tout ce que les isotopes radioactifs ont permis en matière de datation.

Mais les apports les plus révolutionnaires sont ceux de l'informatique : pourcentages, statistiques, séries, modèles font aujourd'hui partie de l'arsenal d'une discipline qui, comme les autres, manie des formules, constitue des fichiers, élabore des programmes.

Le mouvement a même pris une telle ampleur qu'il suscite des réactions, en partie justifiées par certains excès. Dans les revues spécialisées anglo-saxonnes, une polémique met aux prises d'un côté les tenants de la nouvelle archéologie, pour lesquels cette discipline devrait explicitement se déclarer scientifique et se couper radicalement de ses origines littéraires ; de l'autre, les défenseurs d'une archéologie humaniste, pour qui les ordinateurs ne remplaceront jamais la sensibilité des hommes aux événements, aux ambiances, en bref ce sens de l'histoire sans lequel le passé reste mort.

Les tendances de la recherche ne sauraient, il est vrai, se réduire à l'emploi de méthodes et d'outils toujours plus sophistiqués, ni à la spécialisation technique. Mais, précisément, certains travaux marquants de ces dernières années aboutissent au contraire à des synthèses, à des visions renouvelées et globales.

Évolution

Il en est ainsi des véritables explorations conduites par des archéologues, surtout américains, au Moyen-Orient et au Mexique. Elles ont mis en évidence l'évolution culturelle de régions entières lors de périodes décisives : apparition de l'agriculture, naissance des premières cités. L'originalité de ces travaux vient du rôle qu'y tient l'étude du milieu. Autour de l'ancienne cité sumérienne d'Uruk, Adams et Nissen se sont efforcés de repérer tous les sites, même les moins importants, ainsi que les anciens tracés des cours d'eau et des canaux, dans une région aujourd'hui désertique et couvrant environ 4 000 km².

Au terme de l'enquête, une série de tris par époques et des traitements numériques très simples ont permis de retracer dans ses grandes lignes l'histoire du milieu naturel et humain de cette région. Jusqu'à maintenant on s'était seulement intéressé aux sites urbains.

Au bilan de cette opération, deux découvertes : l'une concerne le développement relativement tardif des réseaux d'irrigation ; l'autre a trait à un véritable exode rural, le plus ancien que l'on connaisse. Tandis que la cité grandissait, des villages entiers ont disparu tout autour d'elle.