Tandis que les différents services du CNES continuent de se grouper au Centre spatial de Toulouse, le Centre guyanais pose un problème sérieux : il faut l'entretenir et maintenir en service son personnel qualifié, alors que la France n'aura que six lancements à faire d'ici à 1977 (avec le nouveau Diamant B P4) et que les premiers tirs de l'Ariane européenne ne sauraient avoir lieu avant 1978.

Entre-temps, on continue d'exploiter l'excellent satellite Éole (Journal de l'année 1972-73), on achève le Symphonie de télécommunications franco-allemand et l'on contribue à l'équipement d'engins américains et soviétiques : système de localisation du futur satellite météorologique Tiros N, projet EOS-Vénus (en collaboration avec les Soviétiques), équipements des satellites européens COS-B et GEOS, etc.

Au cours de cette année, le CNES a travaillé à la mise au point de ballons captifs destinés à opérer dans la stratosphère. À 18 000 m, un ballon de 10 000 m3 est comparable à un satellite géostationnaire qui dominerait une zone de 1 000 km de diamètre. D'où le sigle ESSOR, qui désigne ce programme : Étude d'un Sub-Satellite d'Observation et de Relais.

L'aéronomie, la météorologie, les télécommunications peuvent bénéficier de ces ballons ancrés par un câble en fibre de polyester de 5,5 mm de diamètre. En novembre 1973, un ballon ESSOR a fonctionné au-dessus du Centre spatial guyanais pendant onze heures à une altitude de 18 000 m, ce qui constitue une performance remarquable pour un ballon captif.

L'éclipse la plus longue : une heure un quart d'observation

L'éclipse totale de Soleil du 30 juin 1973 aura été un événement dans l'histoire de l'astronomie. La zone de totalité – d'où l'on voit la Lune masquer entièrement le Soleil – était une bande de 300 km de large traversant l'Afrique, de la Mauritanie au Kenya. Dans la partie occidentale de cette zone, l'éclipse totale a duré plus de 7 minutes, ce qui est déjà rare et pouvait lui valoir le nom d'éclipse du siècle.

Pour la première fois, le phénomène a été suivi à bord d'un avion supersonique qui, volant aussi vite que l'ombre de la Lune à la surface de la Terre, s'est maintenu dans la zone d'éclipse durant 93 minutes, dont 74 minutes de totalité, soit dix fois plus longtemps que pour les observateurs au sol.

Autre comparaison : en additionnant la durée de toutes les éclipses totales de Soleil depuis cinquante ans, on arrive à 129 minutes.

Décollant du terrain de Las Palmas (îles Canaries), Concorde 001, piloté par un équipage dirigé par André Turcat, a rejoint en 45 minutes le point de rendez-vous, situé en Mauritanie, à partir duquel ont commencé les observations.

Volant à environ mach 2 le long d'un arc de grand cercle, l'avion s'est laissé doucement rattraper par l'ombre de la Lune pour en émerger 74 minutes plus tard au nord de N'Djamena (ex-Fort-Lamy, Tchad), où il s'est posé. Non seulement l'éclipse a été étudiée pendant une durée sans précédent, mais encore les scientifiques qui se trouvaient à bord ont été frappés par l'aspect insolite et la beauté des phases du phénomène, contemplées pour la première fois avec un ralenti de facteur 10. Au témoignage de Pierre Charvin, qui coordonnait le travail à bord, ce spectacle a suffi à suggérer de nombreuses idées d'expériences nouvelles qui pourraient être réalisées dans l'avenir.

Mobilisation

Malgré le perfectionnement technique des instruments astronomiques utilisés en période ordinaire, la qualité des observations réalisées par les télescopes implantés en altitude (comme en France au pic du Midi) et l'avènement récent des observatoires satellisés, les éclipses solaires totales demeurent le meilleur moyen d'étudier les phénomènes qui se déroulent dans la chromosphère, couche rose qui enveloppe la surface lumineuse de l'astre, et dans la couronne, qui s'étend très loin dans l'espace.

Celle du 30 juin a mobilisé des équipes scientifiques de plusieurs pays – notamment américaines, britanniques et françaises – tant à bord de l'observatoire volant que dans plusieurs stations terrestres d'importance inégale, de la Mauritanie au Kenya.