Lazarev a vu sa persévérance récompensée : deux fois, en 1959 et en 1962, il s'était vu refuser l'admission dans le corps des cosmonautes pour des raisons médicales. Sa spécialité, inconnue en Occident, est celle de médecin-pilote d'essai (il a essayé, en vue de leur mise au point, des inhalateurs et des combinaisons pour pilotes d'avions à réaction). Makarov, quant à lui, a participé depuis les premiers Vostok à l'étude des installations et aménagements des vaisseaux spatiaux de l'URSS.

Expériences

Soyouz 13 est lancé à Baïkonour le 18 décembre 1973. Tout en poursuivant la mise au point du nouveau vaisseau spatial et de ses systèmes de commande et de navigation, son pilote Piotr I. Klimouk et l'ingénieur Valentin V. Lebedev vont accomplir un important programme scientifique : observation de la comète Kohoulek, spectrographie d'étoiles dans l'ultraviolet, détection des ressources terrestres, recherches biomédicales. Des expériences ont eu lieu en vue de la mise au point de futurs systèmes écologiques permettant la régénération et le recyclage des déchets organiques lors de voyages spatiaux de longue durée (vers Mars, par exemple). Ces recherches ont porté sur des cultures de bactéries, d'algues chlorelles et de lentilles d'eau.

Le retour à la Terre s'effectue le 26 décembre, alors que dans la zone d'atterrissage sévit une forte tempête de neige. Klimouk et Lebedev sortent d'eux-mêmes de la capsule et vont à la rencontre des équipes venues les accueillir en hélicoptère.

Europe spatiale : vers la fin de l'imbroglio

L'Europe spatiale n'est pas plus facile à constituer que les autres... (Journal de l'année 1972-73). La France considère que l'indépendance spatiale des Européens n'est concevable qu'avec la possession d'un lanceur puissant, les États-Unis refusant leurs fusées pour tout lancement qui porterait atteinte à leurs intérêts économiques. L'Allemagne inclut la collaboration spatiale avec les Américains parmi les compensations qu'elle peut leur offrir en contrepartie de la couverture militaire qu'ils lui assurent. La Grande-Bretagne est plutôt tiède à l'égard d'une Europe spatiale dominée par la France et l'Allemagne ; elle répugne aussi à contrarier l'Amérique. Pour l'Italie, en pleine crise économique, l'espace coûte cher.

ASE

Le 12 juillet 1973, premier coup de théâtre : la Conférence spatiale européenne (CSE) se réunit à Bruxelles pour donner le feu vert en vue de l'organisation de la nouvelle Agence spatiale européenne (ASE) ; elle doit unifier les organisations existantes (et moribondes) : la CERS ou ESRO (responsable des satellites), la CECLES ou ELDO (qui s'occupe des lanceurs) et la toute provisoire CSE. Alors qu'on s'attend à de longues discussions, les ministres européens se séparent au bout d'une heure et déclarent que la réunion est reportée au 31 juillet.

Aucun accord donc sur les grandes options : la construction du lanceur français L-III-S ; celle d'un satellite pour le contrôle de la navigation maritime (les Français proposent leur Marsat, les Britanniques leur GTS et l'ESRO le Marots) ; celle d'un laboratoire orbital Spacelab, parrainé par les Allemands et inclus dans le programme post-Apollo américain.

Lors de la réunion qui a lieu quinze jours plus tard, les ministres n'ont aucune peine à se mettre d'accord, ayant retrouvé la formule des auberges espagnoles d'autrefois où chacun ne consomme que ce qu'il apporte. Le L-III-S sera construit sous le nom d'Ariane, mais la France supportera 62,50 % du coût. L'Allemagne obtient gain de cause pour le Spacelab, quitte à subvenir à 52,55 % du budget nécessaire. La Grande-Bretagne sera le maître d'œuvre du Marots et participera pour 56 % à sa construction.

Quant à la création de l'ASE, après avoir été reportée au 1er avril 1974, puis au 1er mai, elle est renvoyée une nouvelle fois. La France et l'Allemagne, qui sont les principaux bailleurs de fonds et, à un degré moindre, la Grande-Bretagne et l'Italie ne parviennent pas à s'entendre pour la désignation des personnalités qui doivent occuper les postes clefs de l'organisation.

Essor

Le Centre national d'études spatiales (CNES) s'est donné un nouveau président, le professeur Maurice Lévy. Après le démarrage de la nouvelle organisation européenne, la France a entrepris l'européisation de ses programmes nationaux.