Au festival d'Avignon, dans son délirant Pandaemonium, à l'Opéra de Lyon pour lequel il a « lu en musique » Jacques le Fataliste de Diderot, Georges Aperghis a prouvé qu'il est le meilleur homme de théâtre qui écrive de la musique, mais également un compositeur qui, après les séductions du hasard et de l'humour, peut construire savamment une vraie partition, profonde et vivante, spéculative et efficace, sans tomber dans les pièges qui sont tendus partout. À vingt-neuf ans, il occupe une position unique dans la jeune génération.

Enfin, le pianiste Maurizio Pollini, venu de Milan, atteint cette année une gloire sans précédent pour un virtuose d'un si jeune âge. C'est que, pour ce gauchiste romantique, tout est bon, Schubert comme Webern, Chopin comme Boulez, bon à réinventer, bon à ouvrir le jeu des forces contraires, bon à utiliser à des fins architectoniques la résistance du matériau sonore, en rendant présente, évidente, efficiente la forme, dans toutes ses perspectives possibles. En cela, Pollini est peut-être le plus authentiquement moderne des interprètes de ce temps.

Chansons

La relève occupe désormais le devant de la scène

La relève des vétérans est assurée avec Michel Fugain, nettement en tête après deux passages à l'Olympia (décembre 1973 et avril-mai 1974), et, à sa suite, Michel Sardou, Serge Lama s'installent parmi les grands de la chanson.

La réussite de Michel Fugain et de son Big Bazar, spectacle typiquement familial, est certainement la plus importante depuis des années dans l'histoire de la chanson française.

Le Big Bazar est organisé en société coopérative (tout le monde est payé au même tarif, Fugain comme les autres). « Le Big Bazar n'a pas d'employés, dit Fugain, que des actionnaires. » Machinistes, monteurs chantent en scène et récoltent leur part d'applaudissements.

Succès

Mais après ces deux triomphes parisiens et une tournée au Canada, le Big Bazar se dirige vers un film musical.

Au succès scénique vient s'ajouter celui, plus rentable, du disque : 600 000 exemplaires vendus de Fais comme l'oiseau ; Chante dépasse les 400 000.

À côté de cette réussite fracassante, les succès pourtant très valables des autres jeunes vedettes peuvent sembler plus pâles. Ainsi, Michel Sardou s'affirme comme chanteur-comédien et comme auteur, avec l'appui de Delanoë.

Il a pris de la voix, des épaules, du coffre. Son talent de persuasion nous force, après l'audition de Danton, à nous précipiter sur nos manuels d'histoire pour vérifier les inexactitudes contenues dans cette chanson. Après l'Olympia (janvier 1973), le Canada, il prépare une tournée d'été avec son ami Johnny Hallyday.

Serge Lama, après un tour de France, fête à l'Olympia (février 1974) dix années d'une carrière où chaque étape a été franchie lentement, peut-être, mais sûrement.

À la surprise générale, les récitals de Joe Dassin ont déçu. En smoking blanc, étincelant de paillettes, entouré de Tahitiennes, malgré des tubes et des retubes, son spectacle tenait à la fois de Las Vegas et du Châtelet. Son Fais-moi de l'électricité déconcerte, quand on sait qu'avec De l'autre côté du lit ou Les plus belles années il peut être à la fois tendre et sérieux.

Loin de Bambino, Dalida, au lieu de s'enfermer dans un style facile, s'efforce de sortir des rengaines qui avaient consacré jusqu'ici son succès. Avec Julien, légèrement mélodramatique, avec Gigi, petite comédie autour d'un bourreau des cœurs italien, avec des chansons de Ferré, Lama, Seeger, elle prouve, lors de son récital à l'Olympia (janvier 1974), qu'elle peut faire preuve de sentiments.

Vétérans

Du côté des anciens, peu d'étincelles : Bécaud, moins généreux, moins chaleureux que d'habitude, a présenté 40 récitals à l'Olympia.

Brassens s'est surtout illustré dans une grande production de télévision ; le côté intimiste de l'émission a permis de cerner la personnalité de l'auteur-compositeur numéro un. Charles Trenet a prêté son talent à des spots publicitaires... Quant à Guy Béart, il a fait chanter Les couleurs du temps au Carré Thorigny (février-mars 1974).