Mais il y a aussi et surtout que l'emploi de plus en plus généralisé du son synthétisé (obtenu par des moyens électroniques et informatiques) fait que « les limites des instruments traditionnels ont été remplacées par les limites du cerveau humain. L'exploration de la perception musicale devient donc l'une des tâches essentielles d'une recherche dans laquelle musiciens et scientifiques ne peuvent se passer les uns des autres », comme il fut dit lors d'une conférence de presse qui avait attiré 1 200 personnes, en mars, au Théâtre de la Ville. Avant même de fonctionner, l'IRCAM déclenche les passions !

Réussites

Toujours au chapitre de l'équipement musical, il faudra désormais compter avec l'immense salle de 4 200 places du Palais des Congrès, porte Maillot à Paris, inaugurée le 28 février 1974 par le finale de la IXe Symphonie de Beethoven, dirigé par Georg Solti. Un volume de 50 000 m3, une scène de 600 m2, une fosse d'orchestre escamotable pour 120 musiciens en font la plus grande salle à vocation de musique dans le monde.

Les programmes musicaux de l'ORTF s'améliorent, autant dans le sens de la qualité technique que de l'originalité. Ainsi, le grand cycle de concerts publics de printemps, Perspectives du XXe siècle, aura-t-il permis de très fertiles rapprochements d'œuvres récentes et d'autres plus ou moins lointaines, avec, en particulier, la création d'une importante pièce d'orchestre de Gérard Masson, Hymnopsie, et d'un concerto pour piano et orchestre, Erikhthon, où Xenakis renouvelle considérablement ses procédés de composition et son style.

L'étonnant chef d'orchestre roumain Sergiu Celibidache, en acceptant de venir diriger plusieurs séries de concerts avec le même orchestre tout au long de l'année, a entrepris une œuvre de rénovation de l'Orchestre national dont on ne pensait pas obtenir si tôt des résultats aussi éblouissants.

Opéra

Les chiffres font un portrait un peu sec mais très clair de la situation du Palais Garnier après une première année d'administration Liebermann. Alors qu'au cours des quatre années précédentes le nombre des représentations était de 185, 201, 166 ou 119, il s'est élevé cette fois à 204. Mais, surtout, avec 300 014 spectateurs, l'Opéra de Paris a enregistré un pourcentage général de fréquentation de 90,28 %, contre 72, 82, 76 et 87 % les mêmes quatre années.

En comparant l'indice de fréquentation des différents programmes, on constate que ce sont Les noces de Figaro (la plus grande réussite de Liebermann) qui arrivent en tête avec 103,48 % (plus de 100 % parce que, en réalité, la salle de l'Opéra dispose de 300 places sans visibilité et qui ne figurent donc pas dans la jauge normale). Le Lac des cygnes suit de peu avec 100,54 %, puis la Tosca avec 99,7 %, Parsifal et Coppélia à égalité avec 97 %, la Bohême et le spectacle de ballets Cunningham aussi à égalité avec 94 %.

On pourra bien prétendre que le début de la saison fut de moins haut niveau que la fin, que la mise en scène et la grandiloquence personnelle de Raymond Gérôme faillirent compromettre la réussite du Moïse et Aaron de Schönberg en septembre, que le ridicule de Peter Ustinov tua prématurément le Don Quichotte de Massenet en janvier, tandis que Les vêpres siciliennes vues par Dexter et Svoboda en avril, Fiordiligi chantée par Margaret Price dans Cosi, et Elektra dirigée par Karl Bœhm en mai furent des moments de grâce que n'importe quel grand théâtre international devrait nous envier... Il faut admettre que Rolf Liebermann et son équipe ont sérieusement redressé la situation en un an et quelques mois. L'Opéra de Paris retrouve son crédit musical, voire son prestige : certains spectateurs n'y achètent-ils pas des places aveugles, même pour le ballet ?

Créations

Dans les festivals, on entend de plus en plus d'œuvres nouvelles, comme si la province s'était mise à collectionner les créations mondiales pour faire honte à Paris. À Royan, il y avait 39 créations et 61 premières françaises sur 120 œuvres jouées, de 49 compositeurs venus de 18 pays. Deux noms semblent avoir dominé : celui de Jean-Claude Éloy, qui a présenté sa première œuvre électroacoustique, Shanti, une musique de méditation de cent trente-cinq minutes, et celui du jeune Jacques Lenot, autodidacte provincial qui fait bien plus que tenir les promesses de ses dons et marche avec liberté sur les traces de son maître Sylvano Bussotti.