Trente députés de plus que la majorité absolue : c'est assez pour gouverner. Sans tergiverser, coupant court aux supputations, le président de la République le montre bien en nommant derechef Pierre Messmer Premier ministre, puis en appuyant quasi ouvertement Edgar Faure pour la présidence de l'Assemblée, qu'il obtient en effet par 274 voix contre 180 à Pierre Mauroy, socialiste.

Le nouveau gouvernement Messmer comprend treize membres de l'équipe sortante et huit nouveaux ministres. Parmi eux, deux non-parlementaires : Michel Jobert, secrétaire général de l'Élysée et homme de confiance du chef de l'État, qui succède aux Affaires étrangères à Maurice Schumann, battu aux élections (comme l'a été d'ailleurs R. Pleven, remplacé à la Justice par Taittinger) ; Maurice Druon, qui prend les Affaires culturelles. Le départ de Michel Debré, auquel succède comme ministre des Armées R. Galley, est le second trait marquant d'un remaniement qui fait encore entrer comme ministres trois députés qui n'avaient jamais siégé au gouvernement : Poniatowski (Santé publique), Stasi (DOM et TOM) et Royer (Commerce et artisanat). Giscard d'Estaing (Finances), Marcellin (Intérieur), Fontanet (Éducation nationale), Guichard (Équipement, logement) et Chirac (Agriculture) restent en place. Une fournée de seize secrétaires d'État viendra compléter le cabinet lorsque, le 12 mai, P. Messmer aura obtenu la confiance de l'Assemblée sur une déclaration de politique générale par 254 voix contre 206.

Une session parlementaire particulièrement terne ouvre la cinquième législature de la Ve République. Les événements qui se déroulent hors du Palais-Bourbon et qui n'y trouvent qu'un écho tardif et atténué retiennent bien davantage l'attention que le défilé des nouveaux ministres.

Le patronat français, qui s'était donné pour président, au début de l'hiver, François Ceyrac et qui, pour la première fois dans l'histoire du CNPF, avait pris publiquement position – en faveur de la majorité – dans la campagne électorale, s'alarme devant la détermination des syndicats ouvriers puis se rassure devant leurs divisions, devant les querelles entre la CGT et la CFDT.

L'événement social ne viendra pas des grandes centrales, mais de la base, des ouvriers spécialisés de Renault. Ces OS, presque tous travailleurs immigrés, déclenchent une grève localisée, qui s'étend de proche en proche à toutes les usines de la Régie. Leur sort, la rigueur des dispositions qui sont appliquées à leur entrée et à leur emploi en France provoqueront beaucoup de controverses, de mouvements dans l'opinion et d'examens de conscience.

Les lycéens manifestent très vivement contre la loi Debré, et pendant les semaines qui précèdent les vacances de Pâques, l'agitation paralyse de nombreux établissements ; l'effervescence retombe d'un seul coup au lendemain de ces congés tandis que le Parlement entreprend d'aménager les dispositions relatives aux sursis. La lente et difficile mise sur pied d'un projet de libéralisation toute relative de l'interruption de grossesse retient également l'attention du gouvernement, puis du Parlement et aussi du public. Les médecins s'opposent vivement : plusieurs milliers signent les manifestes et appuient les démonstrations en faveur de l'avortement libre et gratuit ; 10 000 se prononcent au contraire pour la loi de 1920, pour le statu quo.

À la fin juin, une manifestation organisée à Paris par le mouvement d'extrême droite Ordre nouveau provoque une réplique violente des trotskistes de la Ligue communiste qui se heurtent avec la police, l'attaquent même. Les deux organisations sont dissoutes et le chef de la seconde, Alain Krivine, inculpé et incarcéré.

Inflation de candidatures au premier tour

Au premier tour, 3 090 candidats ont brigué les 473 sièges de la métropole, soit environ 7 candidatures par circonscription. (Aux élections législatives de 1967 : 2 190 candidats, et, en 1968 : 2 265.) Dans les départements et territoires d'outremer, 66 candidats se sont affrontés pour les 17 sièges. Sur ces chiffres, 201 femmes seulement, soit le faible pourcentage de 6,7.

Les femmes à l'Assemblée nationale

Les femmes, qui représentent 52 % du corps électoral, constituent seulement 1 % de l'Assemblée nationale, avec huit députés dont trois nouvelles élues : Hélène Constans et Gisèle Moreau (PC), Anne-Marie Fritsch (Réf.).