Lorsqu'il dresse, au milieu de l'été, un bilan de la politique inaugurée le 15 août 1971, il peut, à juste titre, faire état de plusieurs résultats encourageants : le taux de hausse du coût de la vie, qui avait déjà été réduit d'un tiers avant le blocage des salaires et des prix, a pu être ensuite diminué de moitié ; il y a deux millions et demi d'emplois civils de plus que douze mois auparavant, et le taux de chômage a été ramené de 6 à 5,5 % (au début de l'hiver, il tombera à 5 % et se maintiendra à ce niveau) ; le taux de croissance de l'économie atteint presque 9 % par an, performance jamais réalisée depuis 1965, et la productivité a augmenté de 4,3 %, progression annuelle la plus importante enregistrée depuis 1966.

En octobre, les espoirs que fait naître l'éventualité d'une paix prochaine au Viêt-nam viennent stimuler le marché des valeurs de New York. Mais l'augmentation de 20 % des bénéfices des sociétés au cours du troisième trimestre de 1972 (par rapport au trimestre correspondant de l'année précédente) n'est évidemment pas étrangère à cette euphorie. Au cours de la même période, le taux général de l'inflation n'a pas excédé 2,4 %. Cette hausse n'a donc pas empêché le niveau de vie de s'élever.

L'optimisme va persister en novembre. Le 14, pour la première fois dans l'histoire du Stock Exchange, l'indice Dow Jones des valeurs industrielles dépasse le cap de 1 000. Aux raisons indiquées plus haut s'ajoute désormais la réélection de Richard Nixon aux dépens d'un George McGovern dont le programme ne pouvait qu'inquiéter les investisseurs.

Au début de 1973, pourtant, le ciel va se couvrir de nuages. Certes, en annonçant, le 11 janvier, l'abandon du contrôle autoritaire des prix et des salaires et le retour à la coopération volontaire du secteur privé à la lutte contre l'inflation, le président témoigne d'une confiance certaine en l'avenir. La phase III du plan de stabilisation signifie, selon le grand responsable de l'économie, George Shultz, que l'on range « le bâton dans le placard ».

Le but de ce plan est de ramener le taux de l'inflation à moins de 2,5 % par an à la fin de 1973. La Commission des prix et le Bureau des salaires sont supprimés et remplacés par un Conseil du coût de la vie, dirigé par George Dunlop. Ce nouvel organisme sera, pour ce qui est des augmentations de salaires (limitées en principe à 5,5 % par an), assisté dans sa tâche par un Conseil paritaire consultatif de dix membres : cinq représentants du patronat et cinq délégués des syndicats, dont George Meany, président de l'AFL-CIO.

Les dividendes distribués par les sociétés, enfin, ne devront pas augmenter de plus de 4 % par an et les marges bénéficiaires ne pourront pas dépasser de plus de 1,5 % celles des deux années précédentes. Un redressement du crédit par le relèvement du taux d'escompte accompagne la levée des contrôles.

La publication des clauses de la phase III coïncide avec celle de statistiques fort satisfaisantes : le produit national brut (PNB) s'est établi en 1972 à 1 152 milliards de dollars, soit 102 de plus qu'en 1971, et les spécialistes prévoient qu'il pourrait passer à 1 266 milliards en 1973.

Hausses

Par ailleurs, tout est loin d'aller pour le mieux. Après s'être notablement ralentie, la hausse des prix est redevenue menaçante. En décembre, les prix de gros ont progressé de 1,6 % alors que leur augmentation n'avait jamais dépassé 0,7 % (par mois) depuis le début de 1972. Pour les seuls produits alimentaires, non soumis aux contrôles au stade de la production, la hausse a été particulièrement inquiétante : 21 % pour les céréales, 9,5 % pour le bétail, 17 % pour les œufs...

Cette flambée des prix – qui atteindra 2,2 % en mars – est la plus forte depuis 1951, date à laquelle le pays subissait les effets de la guerre de Corée. Elle ne tarde pas à se répercuter sur les prix de détail (+ 0,5 % en janvier, + 0,8 % en février, + 0,8 % en mars) et à susciter un profond mouvement de mauvaise humeur dans la population. Le 29 mars, Nixon décide alors d'imposer un prix plafond pour la viande de boucherie plutôt que de bloquer l'ensemble des prix des produits alimentaires. Cette demi-mesure ne satisfait personne : les fermiers et les intermédiaires protestent, les responsables syndicaux, soutenus par les démocrates, déclarent qu'ils ne s'estiment plus liés par l'accord sur les salaires intervenu deux mois plus tôt ; des associations de consommateurs appellent les ménagères à boycotter la viande de bœuf pendant une semaine.