Au bilan du gauchisme politique, on a surtout rangé, en juillet, l'incident de la porte Maillot au cours duquel, à la suite d'un attentat à l'ambassade de Jordanie, un jeune manifestant, Christian Riss, fut blessé d'un coup de feu par un policier, puis emprisonné et inculpé. En août, un rassemblement sauvage de jeunes était marqué, à Maguelonne, près de Montpellier, par une violente charge des forces de l'ordre. En février 1972, un manifestant, Pierre Overney, était tué d'un coup de feu à Billancourt par un membre du service d'ordre de la Régie Renault. Ses obsèques, le 4 mars, étaient suivies par plusieurs dizaines de milliers de personnes et, le 8, un groupe gauchiste enlevait un cadre de la Régie, Roger Nogrette, qui devait être libéré par ses ravisseurs deux jours plus tard, indemne.

Le système pénitentiaire a été mis en cause par plusieurs révoltes dans les prisons brutalement réprimées mais aussitôt suivies de réformes dont l'avenir dira si elles étaient suffisantes et bien calculées. L'action de la police a souvent été âprement critiquée, au point que ses membres ont éprouvé la nécessité de s'expliquer dans la rue devant la population comme l'avaient fait de leur côté les gauchistes. Enfin, dans les lycées, dans les universités et en particulier à Censier, à Paris et en province, les incidents, les contestations, les démonstrations furent quasi endémiques et parfois vives, sans jamais tourner vraiment au drame.

Mais nombre de grèves, celles par exemple de l'usine lyonnaise de Penarroya (février-mars), du Joint français à Saint-Brieuc (mars-avril) ou des Nouvelles Galeries de Thionville (mai-juin), nombre de manifestations traditionnelles (1er mai) ou occasionnelles (pour la paix au Viêt-nam, en faveur d'Angela Davis, pour les revendications des salariés, les « mille francs par mois », la retraite à soixante ans, contre le chômage, la hausse des prix ou même contre la pollution) portent partiellement l'empreinte du gauchisme ou sont l'occasion de chocs entre gauchistes et communistes (ou cégétistes) aussi bien qu'avec la police. Ces grèves et ces démonstrations, bien souvent, échappent au contrôle des directions syndicales et des partis traditionnels autant qu'elles sortent des schémas classiques de la revendication, de la bataille sociale et de la négociation.

Une autre catégorie sociale, habituellement fort calme celle-là, a été durement travaillée par les ferments d'agitation : il s'agit des commerçants et artisans, dont le nouveau leader, Gérard Nicoud, fondateur et animateur du CID-UNATI, a passé de nombreux mois en prison. « Nicoud en prison, Rives-Henrÿs à l'Assemblée » — ou l'inverse —, un slogan qui a gêné la majorité, surtout quand le Premier ministre, en mai, a refusé au nom de l'autorité de l'État d'effacer les condamnations de Gérard Nicoud et de la libérer, tout en prenant force mesures en faveur de ses mandants.

Cette année 1971-72, si marquée par l'approche des élections, si caractérisée par le glissement soudain accéléré de l'après-gaullisme au pompidolisme, restera-t-elle dans les annales comme une période, tout compte fait, quiète et sans histoire et donc plutôt heureuse ? Faut-il croire au contraire à l'apparition d'un sourd mécontentement, à la réalité de l'inquiétude, de la hargne dont certains ont voulu voir les signes dans l'effervescence de la jeunesse, l'agitation spontanée des salariés, l'indifférence des électeurs au référendum et une remise en question accélérée et accentuée du système de vie et de pensée dans maints domaines ? Une seule certitude : la réponse des forces et des institutions politiques à un désir de plus en plus largement ressenti et exprimé de « changer la vie », slogan des jeunes contestataires repris par le parti socialiste comme titre de son programme, ou au moins, selon une formule de J. Chaban-Delmas, d'améliorer la qualité de la vie, a paru de moins en moins convaincante, de moins en moins adéquate. La recherche d'une adéquation, à cet égard comme dans la vie sociale, dans les mœurs et dans les idées, pose désormais en pleine lumière la grande interrogation de cette époque difficile.

Principales formations politiques

L'ensemble des formations politiques qui vont s'affronter lors des prochaines élections législatives compose un vaste ensemble mouvant ; les alliances, les programmes, les regroupements ne cessent de se faire et de se défaire. Voici, du moins, la physionomie des partis et des regroupements à la fin du mois de juin 1972, suivis du nom de leurs principaux leaders qui, dans la plupart des cas, occupent les positions de secrétaire général ou de président.

Droite

Ordre nouveau, Fr. Duprat.