Finances

Un budget entre la stabilité et la croissance

Le budget de 1971 s'est contenté « d'accompagner » une expansion de l'économie française relativement forte par rapport à l'étranger. Mais, en 1972, les risques de contagion par la grisaille environnante se sont aggravés, et le budget a revêtu une physionomie beaucoup plus dynamique, à l'« intersection de la stabilité et de la croissance », selon la formule de Valéry Giscard d'Estaing.

La loi de finances pour 1971 avait été présentée en strict équilibre. Les dépenses y progressaient moins vite que la production prévue, ce qui permettait une baisse du niveau du prélèvement fiscal sur l'économie, mais n'était pas fait pour la stimuler... Aussi, dès janvier, le gouvernement décidait de débloquer un tiers environ des crédits inscrits au Fonds d'action conjoncturelle et donnait la consigne d'accélérer le rythme saisonnier des dépenses. Ensuite, l'instrument n'a plus guère servi.

L'expansion réelle de 1971 a pourtant été inférieure à ce que prévoyait le ministre des Finances : 5,2 % (en volume), au lieu de 5,7 %. De sorte que les rentrées fiscales ont été inférieures aux prévisions et que l'exécution finale du budget fera apparaître un déficit de l'ordre de 2 milliards de francs (malgré une loi de finances rectificative maintenue en équilibre). L'excédent d'exécution de 600 millions enregistré en 1970 (d'après la loi de règlement) restera donc un accident... qui ne s'était pas produit depuis la stabilisation Poincaré de 1926-1928.

Important déficit

Présenté lui aussi en équilibre, le budget de 1972 comportera, en effet, un important déficit. La loi de finances initiale affiche pourtant un excédent symbolique (1 million de francs) pour la troisième année consécutive. Cette « constance dans l'équilibre » recherchée par V. Giscard d'Estaing se mesure aussi au fait que les dépenses croissent à peine plus vite (+ 9,7 %) que la production nationale (en valeur, c'est-à-dire hausse des prix comprise : + 9,3 %). Cela permet de maintenir la pression fiscale (impôts locaux exclus) à 19 % de la PIB, comme en 1971 (contre 20 % en 1970 et 20,9 % en 1969).

Toutefois, le ministre des Finances a également donné au budget une autre priorité : la « volonté dans la croissance ». Cette priorité s'est traduite par un ralentissement des dépenses de fonctionnement et par une accélération des dépenses d'équipement. En particulier, les dépenses de fonctionnement des services de l'État n'augmentent que de 11,7 %, contre + 12,8 % l'année précédente : le nombre des fonctionnaires, et leurs traitements devraient progresser plus modérément. Les dépenses militaires s'accroissent moins vite que l'ensemble du budget, dont elles ne représentent plus que 16,2 %, contre 21,8 % en 1966, tout en bénéficiant de leur plus forte progression depuis dix ans.

Équipements collectifs

L'effort porte donc sur les dépenses (civiles) d'équipement, en hausse de 14,5 %, contre + 5,3 % seulement l'année précédente. Si l'on examine non les crédits de paiement (qui ne font que refléter les dépenses autorisées par les budgets antérieurs), mais les autorisations de programme (dont dépend la décision concrète d'entreprendre des travaux), l'augmentation est de 20 % : c'est la plus importante depuis 1963. Si l'on tient compte des crédits utilisés au Fonds d'action conjoncturelle, la progression tombe à 17 % environ, ce qui reste élevé.

Parmi les dépenses qui augmentent plus que la moyenne : les télécommunications, les transports terrestres, l'aviation civile, la marine marchande... Les routes se situent dans la moyenne. En revanche, l'Éducation nationale, l'équipement et le logement sont moins bien traités. Quant aux entreprises nationales, elles voient leurs subventions diminuer, en valeur absolue (les Charbonnages de France étant les plus touchés) : elles devront financer leurs investissements en majorant leurs tarifs ou en empruntant.

Il faut d'ailleurs replacer l'effort accompli en 1972 dans une perspective pluriannuelle. Voici quelle est l'évolution des autorisations de programme effectivement ouvertes pour les équipements collectifs : − 20 % en 1969 (l'État a annulé 5 milliards de crédits sur 25), + 25 % en 1970, + 10 % en 1971, + 16 % en 1972. En quatre ans, l'augmentation est de 28 %. Mais, dans le même temps, la hausse des prix a été presque aussi importante. De sorte que le budget de 1972 permet seulement de rattraper le niveau de 1968, pour le volume des travaux exécutés. Auparavant, les autorisations de programme n'avaient augmenté que d'un peu plus de 10 %, contre 20 % pour les prix : de 1968 à 1971, l'effort réel d'équipement collectif a diminué !