Si ces aides — habituelles ou exceptionnelles — ne suffisent pas à sortir la presse de cette passe difficile, on peut espérer que deux groupes de travail trouveront des solutions efficaces. Le premier, présidé par Jean Serisé, chargé de mission auprès de Valéry Giscard d'Estaing, étudie le régime actuel des aides publiques aux entreprises de presse et éventuellement leur réaménagement, tandis que le second, constitué au sein de la Régie française de publicité, se penche sur l'harmonisation des intérêts de la presse et de la télévision dans le domaine de la publicité.

En attendant le résultat de leurs délibérations, la Fédération française des sociétés de journalistes a présenté un projet de statut dont voici les points de force :
– l'aide de l'État doit être accordée aux entreprises d'intérêt général dont il importe de donner une définition ;
– l'aide doit être sélective, de façon à avantager les publications à faible tirage et à ressources publicitaires réduites ;
– une aide particulière doit favoriser le lancement des publications nouvelles ou le maintien des publications menacées.

Et, pour éviter que « dans l'indifférence générale, la nation dérive vers la fin du dialogue et la mort de la démocratie », deux journaux placés presque aux antipodes de l'échiquier politique — Combat et La Croix — prennent une initiative originale : celle de créer un groupement des quotidiens d'opinion (sous le régime d'association de la loi de 1901). Le but de ce groupement est de mener une action spécifique qui, sans faire double emploi avec celle des syndicats de quotidiens, doit la compléter. Elle vise l'information de l'opinion et des pouvoirs publics ainsi que la proposition des mesures correctives complémentaires nécessaires à la défense de la presse d'opinion.

En matière de presse, où l'on n'en est pas à un paradoxe près, on constate cette situation aberrante : « l'aide de l'État favorise les plus favorisés et accélère les concentrations » (André Diligent). Actuellement, la presse ne peut récupérer la TVA et la taxe sur les salaires qu'au prorata de ses recettes publicitaires. De la sorte, ce sont les journaux à faible publicité (notamment les journaux d'opinion, qui, n'ayant pas une audience majoritaire, ne peuvent devenir des supports publicitaires-leaders) qui récupèrent le moins.

Pour éviter que l'aide de l'État ne soit répartie sans nuance, La Croix propose que soit établie une diversification de la presse à partir de critères physiques objectifs, indiscutables, qui, telle la surface publicitaire, n'entraînent aucune discrimination de type idéologique ou politique.

Cette aide devrait alors porter :
– sur les tarifs postaux, par la création d'une tranche tarifaire spéciale pour la presse dont le poids serait inférieur à une certaine limite définie paritairement ;
– sur le papier journal, par l'attribution d'un quota de pages gratuites à la presse dont la surface publicitaire serait inférieure à un certain pourcentage déterminé paritairement ;
– sur la fiscalité, par l'application de la TVA au taux 0, permettant la récupération intégrale des charges ou tout au moins l'alignement de la presse d'opinion sur un quota de récupération égal à celui du journal le plus favorisé.

Concentration

Ce plan est approuvé par plusieurs journaux. Mais avant qu'il soit adopté — ou même simplement discuté — par les instances officielles, combien de titres auront encore disparu ? Car, en province, les fusions, les concentrations ou les accords conclus entre journaux continuent à provoquer l'inquiétude de nombreux journalistes. Dans l'Est, c'est la normalisation des zones d'influence du Républicain lorrain et de l'Est républicain ; dans le Centre, la Montagne prend le contrôle de deux quotidiens (le Journal du Centre et le Populaire du Centre) ; la situation n'est pas plus brillante dans le Nord, où des accords de coopération technique et commerciale sont conclus entre Nord-Matin et Nord-Eclair.