La situation ne cesse de se dégrader jusqu'à ce qu'une nouvelle grève, décidée le 25 janvier à une faible majorité, prenne effet le 26. Le 29, Simone Del Duca, propriétaire du titre créé par son mari, annonce son intention de cesser l'exploitation du quotidien. L'entrevue qu'elle a avec le Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas, ne la fera pas revenir sur sa décision, pas plus que les propos sur la presse que tient au cours de son voyage au Tchad le président de la République : « Le problème, déclare-t-il notamment, doit être repensé profondément, non seulement par le gouvernement mais aussi par les propriétaires de journaux et aussi par les journalistes, voire par les travailleurs du Livre. » Il conclut : « C'est un problème important parce que c'est le problème, dans une large mesure, de la liberté de l'esprit. »

Restent également sans effet une démarche des ouvriers de l'imprimerie auprès du comité de grève, afin de tenter de trouver une solution au conflit, et l'action des quatre syndicats de journalistes qui voient rejetée par le Tribunal de commerce de Paris leur demande en référé pour la nomination d'un administrateur provisoire.

« Quand un quotidien disparaît, écrira Jacques Fauvet, quel qu'en soit le genre ou le style, c'est toujours un peu de la liberté d'expression qui meurt. » On mesurera combien celle-ci a diminué en considérant le nombre de quotidiens qui ont cessé de paraître depuis la Libération. Le lecteur pouvait choisir entre 34 titres à Paris en 1945 : il n'en reste en 1972 que 11. Des 175 quotidiens publiés alors en province, il n'en subsiste que 88.

Cette maladie endémique que les journalistes nomment dans leur argot de métier « les charrettes » sévit également à France-Soir. Le 21 janvier, ce journal annonce le licenciement de 36 journalistes, 7 employés et 3 tireurs photos à partir du 1er février. 24 autres personnes donnent leur démission et touchent leurs indemnités.

L'Intersyndicale des journalistes demande alors que soit menée une action contre les licenciements avec les autres catégories de personnels frappés et que soit créée une commission paritaire de reclassement. Des menaces de grève sont évoquées.

Conflit à « Sud-Ouest »

Les conflits qui ont éclaté à Paris Jour et à France-Soir sont encore en pleine actualité qu'un nouveau conflit surgit. À Sud-Ouest, un certain nombre d'éditions, dont celles de la Gironde et de Bordeaux, ne paraissent pas le 20 février. Un arrêt de travail est déclenché par le Syndicat du livre.

Le mouvement, circonscrit à l'origine à une catégorie du personnel — le service de clicherie —, va s'étendre rapidement à l'ensemble des ouvriers du Livre pour une durée de trois semaines.

L'incident, au départ, paraît mineur : on peut logiquement penser qu'il va être rapidement réglé. Trois moules automatiques doivent être utilisés pour la fabrication et la finition des clichés. Selon le syndicat, il est indispensable que le nombre d'ouvriers reste de trois hommes comme auparavant, pour chaque machine, soit neuf hommes au total. Or la direction de Sud-Ouest décide de le ramener à deux, en ajoutant un septième homme pour compléter les équipes. Le plus ancien des clicheurs partant à la retraite et un autre étant affecté à un autre service, l'adoption de ce matériel moderne n'entraîne aucun licenciement.

Chacun des antagonistes se retranche derrière la convention collective : « Celle-ci a été violée », affirme la direction de Sud-Ouest, qui considère que le syndicat aurait dû attendre la décision d'une commission de conciliation. « Au contraire, rétorquent les travailleurs du Livre, c'est la direction qui se trouve en faute. » Ils estiment, eux, qu'il est spécifié que tant que la commission de conciliation n'est pas intervenue, aucune modification des conditions de travail ne doit être apportée et que ce n'est pas le cas puisque l'effectif des équipes est diminué d'autorité.

Au cinquième jour de la grève, la direction décide la fermeture provisoire de l'entreprise et assigne le Syndicat du livre bordelais en violation de la convention collective en 500 000 F de dommages et intérêts provisionnels.