Journal de l'année Édition 1972 1972Éd. 1972

Il est possible de dresser un bilan des avantages et des inconvénients des accords de Washington pour chacun des principaux pays :

USA
Le dollar est dévalué de 7,89 % par rapport à l'or ; cela ne s'était pas produit depuis 1934 et cette dévaluation symbolise, sur le terrain politique, un affaiblissement de la puissance américaine. Il en résulte une augmentation des prix de certaines matières premières importées, encore que, dans bien des cas, les contrats d'importation de ces matières premières soient libellés en dollars (c'est-à-dire que cela ne change rien pour les acheteurs américains, mais que ce sont les pays du tiers monde, producteurs de matières premières, qui subissent les inconvénients de la dévaluation du dollar). Les capitalistes américains qui veulent acheter des firmes à l'étranger les paient un peu plus cher depuis la dévaluation. Voilà pour les inconvénients. Mais l'accord de Washington ne revient pas sur la principale mesure prise le 15 août par le président Nixon, à savoir la non-convertibilité du dollar. En outre, il facilite les exportations américaines en abaissant leurs prix. Enfin, il ne remplace pas le dollar dans le système monétaire.

Allemagne
Le mark est réévalué de 4,61 % par rapport à l'or, et de 13,57 % par rapport au dollar. Cette deuxième réévaluation du DM en deux ans présente de nombreux inconvénients pour les industriels allemands qui voient le prix de leurs produits sur les marchés extérieurs augmenter considérablement. En revanche, les Allemands obtiennent la suppression des mesures protectionnistes prises par le président Nixon le 15 août, et la réévaluation du DM par rapport aux autres monnaies européennes reste assez faible pour ne pas trop gêner les exportations allemandes sur ces marchés.

France
La valeur du franc en or ne change pas. Mais, naturellement, le franc se trouve réévalué assez sensiblement par rapport au dollar. La dévaluation du dollar est incontestablement une victoire politique pour le gouvernement de Paris, mais en revanche celui-ci n'obtient pas le retour à la convertibilité de la monnaie américaine, ni une réforme du système monétaire international, ce qui était son objectif essentiel.

Grande-Bretagne
La livre sterling, comme le franc, garde sa valeur en or. Comme l'économie britannique est en état de faiblesse, le fait que la livre se trouve réévaluée par rapport au dollar est un handicap pour les Anglais, qui auront plus de mal à vendre leurs produits sur le marché américain. Il est clair, dès ce moment-là, que la livre ne pourra pas tenir durablement cette position. Les germes de la crise de juin 1972 étaient déjà dans l'accord de décembre 1971.

Japon
Le yen est réévalué de 7,66 % par rapport à l'or. C'est donc la monnaie qui paie le plus lourd tribut au réalignement général. Par rapport au dollar, la réévaluation est proche de 17 %, mais, comme pour le DM, celle-ci était déjà inscrite dans les faits, puisque, sur les marchés libres, la réévaluation qui résulte de l'accord de Washington n'est que de 4 %. Les produits japonais vendus à l'étranger sont donc plus chers, mais Tokyo obtient la suppression des mesures protectionnistes aux USA : son objectif essentiel.

Italie
La lire est la seule monnaie importante — avec le dollar — qui ait dévalué par rapport à l'or, mais très légèrement (de 1 % seulement). Il n'est pas sûr que cela soit suffisant, étant donné les hausses de salaires considérables enregistrées dans la Péninsule depuis deux ans. La monnaie italienne se trouve donc menacée, comme la livre.

Les conséquences immédiates les plus positives de l'accord de Washington ont été la levée de l'incertitude qui pesait depuis les décisions de Nixon, au mois d'août, sur les conditions du commerce international. Certes, le rebondissement de la crise, en juin 1972, avec la chute de la livre, devait montrer la précarité de cette situation. Il n'empêche que les économies occidentales ont été relancées par l'accord de Washington.

Toutefois, le retour à des parités fixes qui a résulté de l'accord de Washington n'a été que très partiel. Jusqu'à la crise de l'été 1971, les taux de change des monnaies pouvaient varier officiellement de 1 % de part et d'autre de la parité officielle. Dans la pratique, ils ne variaient d'ailleurs que de 0,75 % de chaque côté des parités. Lorsque les cours sur le marché s'écartaient davantage de la parité officielle, les banques centrales de chaque pays intervenaient sur le marché pour ramener les cours à l'intérieur de cette fourchette. Or, à Washington, on n'est pas revenu à cet écart de 1 %. Il a été décidé que les cours des monnaies pourraient varier, de chaque côté de la parité officielle, de 2,25 %. Cela signifie que, dans certaines situations, l'amplitude maximale de part et d'autre de la parité officielle est susceptible d'atteindre non pas 4,50 % (c'est-à-dire deux fois 2,25 %) mais 9 %. Soit un écart maximal supérieur à la dévaluation du dollar elle-même ! Cela résulte d'un calcul mathématique simple qui fait intervenir les variations de parité entre plusieurs monnaies.