Sur le plan international, deux grandes manifestations marquent l'histoire de communautés au passé glorieux. Le judaïsme sépharade (les juifs du Bassin méditerranéen, d'Angleterre et de Hollande issus des exilés d'Espagne) a tenu un congrès à Amsterdam. Il a étudié les moyens de préserver et de faire connaître son héritage culturel. Le consistoire d'Angleterre a célébré son centième anniversaire en présence de la reine d'Angleterre et du prince consort.

L'Association consistoriale israélite de Paris, qui déploie depuis 1962 de grands efforts pour favoriser l'intégration religieuse des rapatriés d'Algérie, a inauguré à Créteil une synagogue remarquable par sa conception et les multiples usages, cultuels et culturels, qu'une architecture d'avant-garde permet d'en faire.

Un nouveau consistoire régional est mis en place en Champagne.

Le professeur Ady Steg a été porté à la présidence du CRIF (Comité représentatif des israélites de France) ; il succède au docteur Vidal Modiano. Enfin, le rabbinat français, qui avait établi au début de ce siècle une traduction française de la Bible, entreprend une œuvre monumentale : la traduction de la Michnah (loi orale) et du Talmud. Plusieurs fascicules ont paru cette année.

Musulmans

Le politique et le religieux

On est tenté de dire que l'événement le plus important pour l'Islam en 1970-71 a été la mort du président Nasser. Les manifestations d'émotion populaire qui ont suivi ce décès, non seulement en Égypte, mais dans tout le monde arabe, ont eu un caractère religieux évident. Il ne faut cependant pas oublier que les peuples arabes — quel que soit le prestige que leur valent, au yeux des autres fidèles de Mahomet, leur rôle historique et leur langue sacrée — sont très minoritaires dans un monde musulman qui comprend en Asie, de Turquie en Indonésie, de véritables fourmilières humaines et qui s'étend très profondément en Afrique noire.

Unité panarabe

Il reste que le rêve religieux et politique d'unité panarabe que Nasser incarnait pour des masses arabes repose, pour une large part, sur le sens de la grande communauté que constituent ceux pour qui « Allah est Dieu et Mahomet son prophète ». En terre d'Islam, la notion de séparation du temporel et du spirituel n'existe pas, et le religieux est toujours plus ou moins lié au politique.

Les efforts entrepris par quelques États musulmans pour établir une certaine laïcité sont toujours combattus par de puissantes minorités traditionalistes. Ainsi, en Turquie, le nouveau gouvernement a fait poursuivre, en avril 1971, des groupes accusés d'avoir comploté contre le caractère laïc de l'État d'Atatürk. En Tunisie, les milieux musulmans les plus rigoristes sont en train de retrouver une influence que le régime avait quelque peu limitée après l'indépendance.

Autre conséquence de la liaison entre politique et religion : on voit souvent réunir en quelque point du monde musulman de grands congrès islamiques souvent qualifiés de mondiaux ou d'internationaux, et dont l'initiative a été prise par telle ou telle puissance musulmane en vue de servir ses intérêts et d'accroître son influence. Cela est d'autant plus facile que l'Islam n'a pas de véritable hiérarchie religieuse, ni d'autorité suprême. Le plus souvent, ces rencontres sont boudées par les adversaires politiques de ceux qui les ont convoquées.

Ainsi, en octobre 1970, vingt pays — sur les quarante qui avaient été invités — envoient des délégués à une conférence internationale islamique réunie à Bandoung en Indonésie. Cette rencontre a deux buts principaux : rechercher les moyens d'unifier la demi-douzaine d'organisations musulmanes à vocation universelle — nouvel acte de la rivalité permanente pour la direction de l'Islam — et examiner les possibilités d'apporter un soutien concret à la lutte pour la libération de la Palestine.

Dans de telles réunions, à côté des professeurs des grandes universités coraniques et d'autres personnalités religieuses, les ministres des Affaires religieuses de certains gouvernements jouent un grand rôle. D'ailleurs, plusieurs États musulmans parmi les plus progressistes mettent délibérément l'accent sur l'importance de l'Islam comme fondement religieux et culturel de leur politique : c'est le cas, par exemple, de régimes comme celui de la Libye révolutionnaire ou de l'Algérie de Boumediene.