Au Chili, un autre problème se pose, car un nouveau gouvernement prend le pouvoir à la fin de 1970 après l'élection à la présidence de la République de Salvador Allende. Pour la première fois, le Chili est dirigé par un marxiste. Et son élection est due en partie aux catholiques (étudiants, prêtres d'avant-garde, aile gauche de la démocratie chrétienne). Le 24 septembre 1970, l'épiscopat chilien précise sa position dans un communiqué : il ne veut pas s'immiscer dans la politique, il appuie les réformes, « en particulier celles qui favorisent les plus pauvres » ; il demande aux chrétiens de « rechercher, avec les autres, une solution juste, originale et créatrice, aux problèmes du Chili ». En somme, l'Église accueille avec sérénité l'avènement d'un gouvernement socialiste.

Ailleurs, elle connaît d'autres difficultés. Au Paraguay, le conflit qui l'oppose depuis deux ans au gouvernement ne s'apaise pas. Les prêtres étrangers sont expulsés de plusieurs pays, notamment de Bolivie et du Venezuela. Enfin, l'Église est également atteinte par des conflits internes, comme celui qui oppose, au Guatemala, les catholiques traditionalistes et les catholiques progressistes au cardinal Casariego.

Espagne

Une enquête sur le clergé espagnol, réalisée en 1970 par la revue Vida nueva, montre bien l'évolution des esprits dans l'Église d'Espagne : 84 % des 6 886 prêtres interrogés estiment que « les prises de position de caractère revendicatif en matière sociale » font partie de leur apostolat ; interrogés sur leurs préférences en matière politique, 11 % seulement déclarent préférer la situation actuelle de l'Espagne et 19 % la monarchie ; 26 %, au contraire, optent pour un « socialisme moderne ». L'enquête fait donc apparaître, outre l'évolution, la profonde division de ce clergé, division que l'on retrouve dans l'épiscopat entre les évêques dits « politiques » (ceux qui sont fidèles au général Franco) et les évêques dits « conciliaires ».

Car c'est toujours le problème de ses relations avec l'État franquiste qui domine la vie de l'Église espagnole. En décembre 1970, le procès de Burgos (v. rubrique Espagne) le souligne à nouveau : un prêtre figure parmi les condamnés ; deux évêques du Pays basque demandent que ce procès ait lieu devant un tribunal civil et qu'aucune condamnation à mort ne soit prononcée. L'Espagne, d'ailleurs, figure parmi les pays qui comptent le plus grand nombre de prêtres dans leurs prisons ; elle a même créé pour eux un pénitencier spécial.

La question, toujours pendante, du Concordat entre l'Espagne et le Saint-Siège retient l'attention de l'épiscopat en février 1971. Le texte précédent, datant de 1953, liait fortement l'Église à l'État et donnait pratiquement au général Franco le droit de choisir les évêques. Mais le gouvernement fait savoir, le 8 février, qu'il « ne s'opposera pas à la disparition des privilèges en matière religieuse qui apparaissent aujourd'hui comme anachroniques ». Rien, en principe, ne s'oppose donc à un accord. Mais l'extrême lenteur des négociations, engagées depuis bientôt trois années, incite cependant au scepticisme.

Protestants

Une réforme permanente

Une des particularités des Églises de notre époque en mutation est la coloration différente qui marque leur histoire, d'année en année.

Cette évolution est particulièrement sensible dans les Églises protestantes : après une longue période d'installation forcée, les pressions conjointes d'un monde en gestation et des autres Églises enfin rencontrées lui ont fait prendre plus que jamais au sérieux une formule fondamentale de la Réforme : « Église devant sans cesse être réformée » (Ecclesia semper reformanda). Cette réforme permanente colore de teintes de plus en plus accentuées la propre évolution du protestantisme. L'image globale qu'il en a donnée, durant ces derniers mois, est celle que fournissent les quatre assemblées générales et mondiales réunies en juillet et en août 1970.

C'est un pur hasard si, en juillet, la FLM à Evian, l'ABM à Tokyo et, en août, à Nairobi (Kenya) l'ARM et le CCI ont tenu leurs assemblées générales la même année. Une coïncidence, car celles-ci n'ont lieu que tous les sept ans. La FLM avait choisi de tenir la sienne à Weimar — haut lieu du luthéranisme — et en 1969, année anniversaire de cette famille spirituelle. Le refus du gouvernement communiste de la RDA d'accueillir ce rassemblement chrétien fit repousser la date de l'assemblée. La FLM choisit alors le Brésil, mais les grandes Églises luthériennes d'Allemagne, de Scandinavie et des USA refusèrent d'aller dans ce pays totalitaire ; elle se replia finalement sur Evian en 1970.