Les problèmes internes de l'Église, cependant, sont toujours aussi vifs. Il arrive qu'ils soient liés à ces nouvelles orientations. Les mêmes chrétiens, en effet, qui dénoncent « l'aliénation dans la société capitaliste », contestent aussi « le pouvoir » dans l'Église. L'Assemblée mondiale des prêtres qui se tient du 28 septembre au 3 octobre 1970 à Amsterdam marque à cet égard un tournant significatif : les délégués s'intéressent moins au statut du prêtre (mariage, travail salarié) qu'aux structures de l'Église et à la révolution anticapitaliste. L'Assemblée se considère elle-même, dans une motion, comme « le lieu où s'exprime la libre parole d'hommes réduits au silence dans leur propre pays par leurs gouvernements, mais aussi par l'Église ». Les prêtres contestataires s'engagent à « démasquer et combattre en eux-mêmes et dans l'Église toutes les formes de pouvoir qui font de l'Église [...] l'alliée et l'instrument des forces oppressives ».

Innover sans démolir

À la contestation et aux innovations, Paul VI ne cesse de marquer des limites. Ainsi, il souligne, le 12 août, que « pour rénover le christianisme, il faut lui être tenacement fidèle et non pas imaginer un christianisme nouveau ». Et il résume ainsi sa pensée sur la réforme de l'Église : « Progresser, enrichir la culture, favoriser la recherche, oui ; démolir, non. »

Pour marquer que sa volonté de réforme n'est pas altérée, le pape publie, le 23 novembre, un Motu proprio qui fait sensation. Ce texte, intitulé Ingravescentem aetatem, dispose que, à compter du 1er janvier 1971 :
– les cardinaux qui occupent une fonction de responsabilité dans la Curie romaine ou dans l'État du Vatican devront, lorsqu'ils auront 75 ans, démissionner ;
– les cardinaux âgés de plus de 80 ans cessent d'être membres des organismes de Curie et perdent le droit d'élire le pape ; 25 cardinaux sur 127, dont 3 Français (MMgrs Tisserant, doyen du Sacré Collège, Feltin, ancien archevêque de Paris, Liénart, ancien évêque de Lille), sont touchés par cette mesure.

Enfin, le Vatican poursuit, en 1970 et 1971, la préparation de la nouvelle réunion du synode des évêques prévue pour octobre 1971. Le secrétariat épiscopal du synode, qui comporte 15 membres, dont 12 élus (en particulier le cardinal François Marty, archevêque de Paris), se réunit à Rome le 12 octobre 1970 et le 11 janvier 1971. Dès la mi-février, tous les épiscopats sont consultés sur les deux points qui figurent à l'ordre du jour du synode — le sacerdoce des prêtres et la justice dans le monde — qui marquent bien quelles sont, durant cette période, les principales préoccupations de la hiérarchie.

La lettre apostolique sur les questions sociales

« Le pape Paul a retrouvé l'esprit du pape Jean » : ce commentaire du journal anglais The Observer, au lendemain de la publication de la lettre apostolique de Paul VI sur les questions sociales, résume un sentiment assez largement répandu. Cette lettre, rendue publique le 14 mai 1971, marque une évolution sensible de l'enseignement social de l'Église.

La forme choisie par Paul VI est elle-même une innovation. Rompant avec la tradition, le pape a renoncé à publier une encyclique. En adoptant la procédure, moins solennelle, d'une lettre au cardinal canadien Maurice Roy, président de la Commission pontificale Justice et paix, il entend montrer que ses propositions ne constituent qu'une étape dans une recherche qui doit se poursuivre à la fois au synode des évêques au mois d'octobre 1971 et, sur le terrain, par tous les catholiques, sous leur propre responsabilité. Ainsi manifeste-t-il son souci de la collégialité épiscopale. Mais puisque cette lettre est un appel à la recherche et à l'action, cela signifie que l'Église n'entend plus proposer au monde une « doctrine sociale » conçue comme un système complet et définitif.

Le fond comporte autant d'innovations que la forme. Paul VI, tout d'abord, évoque une série de problèmes neufs : l'urbanisation, la contestation des jeunes, la libération de la femme, les effets des mutations économiques, l'emprise des moyens de communication sociale, l'environnement. Pour les résoudre, il lance un vif appel à « l'imagination sociale ». Analysant ensuite les courants d'idées et les formes d'organisation des sociétés, il répète la condamnation du marxisme, qui est athée et qui mène à un « type de société totalitaire et violente ». Mais il admet que les mouvements historiques nés de la doctrine marxiste puissent évoluer et que les chrétiens puissent — avec discernement — collaborer avec eux. Parallèlement, la condamnation du capitalisme libéral est plus ferme que jamais. Les prédécesseurs de Paul VI avaient seulement condamné les abus du capitalisme. Paul VI va plus loin : il condamne l'idéologie libérale.