Dans la salle de contrôle de Houston, la sueur perle sur les fronts. Les moins émus ne sont pas les deux héros de cette aventure : le cœur d'Aldrin galopait à 156 battements par minute, celui d'Armstrong le suivait : 130 pulsations !

Devant leur poste, des millions de téléspectateurs poussent un double soupir, de soulagement et de satisfaction : enfin le spectacle tant attendu commence ! L'homme le plus malchanceux, c'est Collins ; il poursuit sa ronde autour de la Lune. Par une ironie du sort, le troisième membre de l'expédition Apollo ne verra pas les premiers pas de l'homme sur la Lune.

Armstrong et Aldrin sont impatients. Ils demandent à Houston de remettre à plus tard les quatre heures de sommeil imposées, par le programme, avant le débarquement. Satisfaction leur est donnée. Ils entreprennent aussitôt les longues séries de vérifications et de préparatifs. Tout est beaucoup plus long que prévu. L'exiguïté de la cabine gêne les deux hommes pour revêtir leur tenue lunaire et endosser l'appareil de survie qui contient la réserve d'oxygène, un système de réfrigération du scaphandre par circulation d'eau, l'équipement radio, etc. C'est seulement à 3 h 52 mn qu'Armstrong, aidé par son camarade, réussit à sortir de la cabine, où l'on a réalisé le vide. Il descend lentement les neuf barreaux de l'échelle : ses jambes apparaissent sur les écrans des téléviseurs. Prudemment, il pose son pied gauche sur le sol et prononce sa phrase désormais historique : « Ce n'est qu'un petit pas pour l'homme, mais un bond gigantesque pour l'humanité. » Ce lundi 21 juillet 1969, à 3 h 56 mn 20 s, l'homme vient, pour la première fois, de fouler le sol d'un autre astre. À 4 h 14 mn ce sera, alors, le tour d'Aldrin.

Pendant leur bref séjour sur la Lune, les deux hommes ont un programme très chargé à remplir. Armstrong s'empresse de ramasser des échantillons du sol lunaire, aussitôt mis en sûreté dans la cabine pour le cas où quelque incident imposerait un départ précipité. Puis ce sont les cérémonies protocolaires. Un drapeau des États-Unis est planté sur le sol lunaire. Armstrong dévoile une plaque fixée à l'étage inférieur du LM, sur laquelle il lit l'inscription :
Ici, des hommes de la planète Terre
ont, pour la première fois, posé le pied sur la Lune.
juillet 1969 A. D.
Nous sommes venus pacifiquement au nom de l'humanité entière.

Enfin, près du drapeau américain, les deux hommes écoutent au garde-à-vous une allocution du président Nixon, qui affirme entre autres : « Les cieux font désormais partie du domaine de l'homme. »

La mission extra-véhiculaire comporte aussi : un examen détaillé du LM (recherche d'éventuels dommages subis lors de l'atterrissage) ; un nouveau ramassage d'échantillons du sol lunaire (cailloux, terre et carottes d'une vingtaine de centimètres extraites en enfonçant un tube) ; la prise de photographies détaillées du LM, du sol, etc. Enfin, les cosmonautes installent à même le sol lunaire trois équipements scientifiques : un piquet supportant une longue feuille d'aluminium enduite d'une émulsion spéciale qui, après avoir été exposée pour prendre au piège les particules du vent solaire, doit être rapportée sur la Terre ; un sismomètre sensible aux secousses du sol lunaire, muni d'un émetteur pour retransmettre à la Terre les oscillations enregistrées ; un réflecteur comportant une centaine de verres catadioptres, prévu pour renvoyer les faisceaux lasers émis de la Terre (ce qui doit permettre la mesure très précise de la distance Terre-Lune et des déplacements relatifs des deux astres).

À regret, Aldrin doit regagner la cabine et Armstrong ne tarde pas à le suivre. À 6 h 27 mn, ils ferment l'écoutille provisoirement et mettent la cabine sous pression pour ôter leur tenue lunaire. Le vide est pratiqué de nouveau, l'écoutille s'ouvre pour délester l'Aigle de ce qui est devenu inutile. Jamais des campeurs ou des troupes en bivouac n'ont abandonné des objets aussi coûteux : deux caméras de télévision, les équipements autonomes de survie, les appareils photographiques, les bottes et la tenue lunaire, les outils spéciaux...

600 millions de témoins

Grâce à la mise en place d'un système de mondiovision, 600 millions de personnes assistent au plus extraordinaire spectacle de télévision jamais vu. Depuis quatre jours, ils peuvent suivre, étape par étape, la prodigieuse aventure d'Apollo 11 : mise à feu de la fusée Saturn 5, expériences en vol et manœuvres d'approche. Ils voient, en direct, Armstrong poser le pied sur le sol lunaire, puis, vingt minutes plus tard, Aldrin rejoindre son compagnon. Ces images exceptionnelles sont filmées avec une caméra dont la mise au point a nécessité plus de deux ans de recherches. Elle fonctionne aussi bien dans le vide que dans l'atmosphère, dans l'obscurité que dans la lumière intense, et résiste à des changements de température dépassant 200 °C. Mis à part les travaux de recherche, son prix de revient dépasse 250 millions de dollars. Au matin du 21 juillet, pendant l'émission en direct, on enregistre, en France, une augmentation de consommation électrique de plus de 100 000 kW. À 7 heures, lors de la deuxième diffusion, en différé, la consommation passe brutalement de 550 000 à 600 000 kW. On estime que plus d'un million de récepteurs ont fonctionné toute la nuit et que près de 2 millions ont été branchés vers 7 heures. Les compagnies de location de téléviseurs avaient, en quelques jours, enregistré une augmentation du nombre de contrats de l'ordre de 400 %.

Vers la Terre

À bord, les deux cosmonautes dînent et s'accordent huit heures de repos. À 16 h 15 mn, ils entreprennent le compte à rebours du décollage. Entre-temps, la sonde soviétique Luna 15 achève, à 800 km de là, sur le sol lunaire, une mission dont on saura plus tard qu'elle consistait à étudier une mystérieuse distorsion des champs magnétiques provoquée autour de la Lune par la présence des engins américains — habités ou non —, alors qu'on ne constatait rien de semblable avec les engins soviétiques.