Un rapport établi par les experts des ministères de l'Économie et des Finances et de l'Agriculture sert de base à l'orientation de l'action gouvernementale. Une commission ad hoc, présidée par G. Vedel, a déposé par ailleurs ses conclusions sur l'« avenir à long terme de l'agriculture française ».

Les dispositions sociales

L'objectif général du gouvernement est de développer un secteur agricole susceptible d'assurer à la population qu'il emploie un revenu comparable à celui des autres catégories sociales, sans entraîner une charge budgétaire qui entraverait l'expansion économique générale ; c'est l'agriculture compétitive. Ceux qui ne pourront y entrer doivent bénéficier d'un traitement de nature sociale.

Un train de mesures est soumis à la discussion du Parlement lors de la session d'automne 1968.

Les lois agricoles fondamentales de 1960 et de 1962 ne sont pas abrogées, mais les interventions de nature sociale qu'elles ont ouvertes sont rendues plus efficaces, d'une part pour que les jeunes de familles paysannes ne soient pas contraints au métier de leurs parents, d'autre part pour que le maintien en activité des agriculteurs âgés ne freine pas l'accès des jeunes générations et l'agrandissement des exploitations.

Tel est l'objet des dispositions arrêtées en décembre 1968, qui comportent notamment un régime plus libéral d'octroi des bourses d'études aux fils d'agriculteurs, une aide aux agriculteurs qui veulent apprendre un autre métier, l'octroi d'une indemnité viagère de départ (IVD) dès l'âge de soixante ans, sous certaines conditions, dans l'ensemble de la France, seuil qui est abaissé à cinquante-cinq ans dans les zones de rénovation rurale.

Un fonds d'action sociale et de rénovation rurale est constitué pour développer l'emploi dans les zones agricoles, et la législation freinant la création des grandes entreprises est partiellement assouplie.

Le problème no 1

Deux interventions sont également engagées pour freiner la montée des excédents laitiers : la distribution expérimentale de beurre aux économiquement faibles et la mise en place de contrats pour la reconversion de la production de lait vers celle de la viande. Le problème no 1, celui que pose l'ajustement de l'offre à la demande, n'est pas résolu : rien d'efficace ne peut être fait, en ce domaine, sur un plan purement français.

Le plan Mansholt

« Vous êtes connu maintenant dans toutes les campagnes françaises. Mais, je dois vous le dire, pas forcément en bien. » C'est en ces termes que le dirigeant des producteurs de lait français, Gérard Bouton, devait accueillir Sicco Mansholt, vice-président de la Commission de Bruxelles, qui, exceptionnellement, avait accepté d'assister à l'assemblée générale de la Fédération des producteurs de lait.

Cela se passait en avril 1969. Quelques mois auparavant, le 10 décembre 1968, un coup de semonce tiré à Bruxelles avait secoué l'Europe agricole. Devant une salle comble, où dominaient les journalistes italiens et allemands, beaucoup mieux représentés que les français dans la capitale du Marché commun, S. Mansholt avait exposé son plan de réforme de l'agriculture européenne.

Sicco Mansholt s'était longuement et calmement exprimé dans sa langue, le néerlandais. Événement assez exceptionnel pour être souligné ; en général, le vice-président de la Commission n'hésitait guère à faire la démonstration de ses talents de polyglotte pour converser avec ses interlocuteurs en français, en allemand, voire en italien.

La lanterne rouge

La constatation fondamentale dominant les travaux des experts qui, pendant de longs mois, ont travaillé autour de Mansholt, est que le développement de l'agriculture constitue « un défi à la société industrielle ».

Dans un monde en constante évolution, l'agriculture est la « lanterne rouge » de l'économie. Dans aucun pays, même aux États-Unis, où la population agricole représente 5 % de la population totale, on ne peut dire que les problèmes agricoles aient trouvé des solutions satisfaisantes.

Les productions et les rendements agricoles croissent régulièrement, mais, en dépit de l'exode rural, les revenus des agriculteurs sont inférieurs à ceux des autres catégories socio-professionnelles.