Pour propulser de tels monstres à des vitesses à peine inférieures à 1 000 km/h, il a fallu développer des turboréacteurs nouveaux de forte poussée, c'est-à-dire de l'ordre de 19 à 20 t. Ces réacteurs utilisent la technique du double-flux : au flux de gaz de combustion sortant dans la tuyère est mélangé un second flux d'air pur faiblement comprimé, ce qui accroît le débit de gaz éjectés, donc la poussée.

Fluidique

Une nouvelle technique

Une technique dont le principe a été découvert par hasard il y a une cinquantaine d'années, la fluidique, entre maintenant dans le domaine des applications industrielles.

Au début du siècle, un jeune ingénieur français, Henry Coanda, se détourna des carrières techniques, qui ne satisfaisaient pas son imagination et son esprit poétique. Il voulut devenir sculpteur et travailla pendant quelque temps dans l'atelier de Rodin. Les arts plastiques ne nourrissant pas leur homme, il revint à la technique, mais ce fut pour y manifester son esprit créateur et même son goût de l'aventure.

L'effet Coanda

Il fut le premier à construire un avion à réaction et il décida de l'essayer lui-même. Le réacteur projetait son jet de flamme de chaque côté de l'avion. Pour préserver les parois — qui se faisaient alors en contre-plaqué — et pour pouvoir piloter sans être brûlé, Henry Coanda disposa de chaque côté deux déflecteurs en mica, qui assuraient la protection thermique tout en permettant le contrôle visuel de la flamme.

Dès que l'avion commença à rouler, puis à voler, au-dessus du terrain d'Issy-les-Moulineaux, l'ingénieur constata que les flammes, au lieu de s'étendre dans le prolongement des déflecteurs, se rabattaient le long du fuselage. Le contre-plaqué prit feu, Coanda eut juste le temps d'atterrir avant d'être brûlé vif. Il avait découvert le phénomène d'attachement d'un jet fluide à une paroi, ou effet Coanda.

Études théoriques

L'étude en est reprise en 1930 avec la collaboration du professeur Métral. Un brevet est déposé en 1938. En 1946, le gouvernement américain invite Coanda aux États-Unis pour y effectuer des études théoriques sur l'effet d'attachement de paroi. De 1956 à 1958, Coanda dirige les recherches au Massachusetts Institute of Technology et dans les laboratoires de l'armée américaine.

En 1959, le mot fluidique est proposé par un Français naturalisé Américain, le général Doriot, pour désigner la nouvelle technique. Plusieurs instituts de recherche étudient les applications de la fluidique à des fonctions de commande et d'amplification. En 1963, la fluidique trouve dans les laboratoires américains ses premières applications expérimentales : un cœur artificiel, un système de stabilisation des voitures dans les courbes, un carburateur.

Le phénomène fondamental de la fluidique peut être aisément observé quand on incline progressivement un verre plein d'eau : le trop-plein ne s'écoule pas verticalement, mais le long du verre. Le liquide a entraîné l'air qui se trouvait le long de la paroi, tandis que, de l'autre côté, l'air entraîné est remplacé : la pression atmosphérique colle le jet à la paroi. Mais imaginons qu'on perce un trou dans le verre et qu'on y injecte, de l'intérieur, un très petit filet d'air : le jet, instantanément, se décollera. Un jet fluide puissant peut ainsi être infléchi par un jet plus faible.

Dans les éléments bistables que fabrique l'industrie de la fluidique, un jet envoyé sous pression dans des canalisations suit le même trajet tant qu'un ordre ne lui parvient pas sous forme d'un petit jet latéral. Il adopte alors un autre trajet qui, en vertu du phénomène d'attachement à la paroi, subsiste tant que n'arrive pas un autre signal. L'inertie est de l'ordre d'une milliseconde. Les ingénieurs espèrent la réduire à 0,3 milliseconde.

Verre spécial

La fluidique permet d'exécuter les fonctions intelligence et de contrôler les fonctions force, sans changer d'énergie. Elle apparaît comme un moyen complémentaire et supplémentaire des méthodes classiques : hydraulique, pneumatique, électronique, électromécanique. On doit même dire que le domaine de prédilection de la fluidique se situe là où ces autres techniques sont défaillantes, en raison de l'environnement, de l'énergie disponible ou des conditions de travail, et cela pour le traitement de l'information, le contrôle, la commande et l'automatisation d'appareils les plus divers.