Dans une longue étude parue en février 1969, l'archéologue anglais Stuart Piggott a passé en revue les plus anciens témoignages connus, et a conclu par l'incertitude. Il apparaît que la Mésopotamie a désormais des concurrents sérieux. Le plus sérieux : la Transcaucasie, région située au sud du Caucase.

Des indices

Des restes de roues ou de véhicules trouvés en Mésopotamie ont été datés du milieu du IIIe millénaire av. J.-C. Les plus anciens consistent en traces relevées dans le sol : le bois ne s'était pas conservé. La date : 2730 à 2600. D'autres témoignages se conservent mieux : ce sont de petites figurines en terre cuite, sortes de modèles réduits ; elles représentent parfois un chariot avec ses animaux de trait, parfois un char à deux roues, avec attelage et conducteur, parfois seulement des roues. Les plus anciennes dateraient de la période 3000 à 2900.

Un peu plus ancien encore : des signes relevés sur de très anciennes tablettes. Ces signes pictographiques appartiennent à un stade primitif de l'écriture, antérieur au cunéiforme : ce sont des dessins qui représentent des chariots. On les a datés de 3200 à 3100.

En Transcaucasie, les vestiges les plus anciens sont de petits modèles de roues en terre cuite. Ils ont été trouvés dans les bassins mitoyens des fleuves Koura et Araxes, deux tributaires de la Caspienne. Les dates les plus anciennes font remonter la culture dite « Koura-Araxes » aux premiers siècles du IIIe millénaire : vers 2900 ou 2800. Les roues de Mésopotamie sembleraient donc plus vieilles de deux à quatre siècles. En réalité, la comparaison n'est pas valable.

À une même époque

Les dates mésopotamiennes ont été obtenues par corrélations historiques. Elles ne sont pas certaines. Les dates de Transcaucasie ont été fournies par le carbone 14. Or, les physiciens le savent désormais, le C14 fournit régulièrement pour ces périodes des dates jeunes de 600 à 800 ans. Si l'on compare ces dates transcaucasiennes à celles fournies par le C14 pour l'époque des signes pictographiques sumériens (2815), on voit que les deux régions se tiennent de près.

Données techniques

Il faudrait envisager, compte tenu des corrections à apporter, une invention quasi simultanée de la roue en Mésopotamie et en Transcaucasie vers 3600 ou 3700. Impossible de trancher. Quant aux données techniques, elles permettent d'envisager une transmission aussi bien du nord au sud que dans le sens inverse.

Un facteur nouveau est entré en jeu. La Transcaucasie est proche des grandes plaines de la Russie méridionale, où ont été faites des découvertes très nombreuses : plus de 20 trouvailles de roues ou de chariots depuis 1966. Ces plaines elles-mêmes conduisent à l'Europe centrale et occidentale. Or, on sait que la roue était connue de la Roumanie à la Hollande avant la fin du IIIe millénaire. Il faut donc s'interroger sur le rôle des peuples de la steppe dans une des inventions les plus importantes pour la suite de l'aventure humaine.

Records d'ancienneté pour la préhistoire

Une sorte de compétition semble engagée entre les préhistoriens des différents continents ; c'est à qui fournira la date la plus ancienne concernant la présence des premiers êtres humains dans son secteur. Le nombre des records d'ancienneté battus montre que les questions d'origine, et d'origine humaine en particulier, constituent bien un des pôles de la recherche préhistorique actuelle.

Sur la Côte d'Azur

En Europe, il faut signaler les recherches d'Henry de Lumley dans les régions méditerranéennes françaises. Elles ont abouti à deux séries de découvertes. Près de Roquebrune-Cap-Martin, la grotte du Vallonnet contenait des niveaux du villafranchien, période qui couvre tout le début du quaternaire. Trois niveaux y ont fourni un outillage extrêmement primitif qui paraît bien contemporain de la Pebble Culture africaine (forme la plus ancienne de la pierre taillée). On le rapproche du stade III reconnu dans la Pebble Culture du Maroc. Trois matériaux différents ont été utilisés : quartzite, silex et calcaire. Un petit éclat de quartzite provient du débitage d'une boule polyédrique, une des formes caractéristiques de cette industrie en Afrique du Nord. Cette industrie remonte à la glaciation de Günz. Elle a, suivant les estimations actuelles, 800 000 à 1 200 000 ans.