Retour aux sources en même temps qu'arme de dissuasion, la nouvelle loi prévoit, en cas de nécessité, l'éclatement de l'armée traditionnelle. Tous les citoyens — les hommes de 16 à 65 ans, les femmes de 17 à 50 ans — peuvent en quelques heures être mobilisés dans les unités régulières, territoriales ou de protection civile.

Il n'y aura plus d'état-major, plus de front, mais des milliers d'états-majors et de centres de résistance au niveau des Républiques, des villes et même des blocs d'immeubles.

La rébellion du Kosmet

Dans ce contexte politique ressurgit dans le Kosmet (ou Kossovo) une ancienne rivalité de caractère ethnique. Le 27 novembre 1968, des milliers de manifestants envahissent les rues de Pristina, la capitale de la Région autonome du Kosmet, habitée par la minorité albanaise.

La foule réclame un statut de République à part entière pour la province intégrée à la Serbie. Des slogans entendus revendiquent même le rattachement à l'Albanie, que la Yougoslavie accuse d'être à l'origine des incidents. La police tire. Il y aura officiellement 1 mort et une quarantaine de blessés.

Les autorités yougoslaves, sans céder sur le fond (la Serbie est passionnément attachée au Kossovo, théâtre de plusieurs combats historiques des troupes serbes), évitent une répression par trop brutale : seuls 60 manifestants iront en prison pour un mois.

Étudiants : intervention de Tito

La même volonté d'apaisement prévaut face à l'agitation étudiante qui avait éclaté le 3 juin 1968 à Belgrade.

On était déjà loin de la classique altercation entre les escholiers et le gouvernement. La banderole ornant l'université de Belgrade proclamait : « Nous en avons assez de la bourgeoisie rouge ! » Les revendications des étudiants, appuyés par de nombreux professeurs, avalent des résonances gauchistes : suppression des inégalités sociales, renforcement de l'autogestion ouvrière, démantèlement de la bureaucratie.

Il faut l'intervention personnelle de Tito pour mettre fin au mouvement : « Je ne vous reproche rien ; si je ne suis pas capable de résoudre vos problèmes, je partirai. », dit-il aux étudiants. Il n'aura pas à le faire, mais les problèmes subsistent.

Sur le plan international, c'est le drame tchécoslovaque qui aura dominé toute la politique yougoslave. Tito, acclamé le 9 août 1968 à Prague, verra s'écrouler le rêve d'un axe indépendant Yougoslavie-Tchécoslovaquie-Roumanie. Sa condamnation sans appel de l'intervention soviétique a brisé les derniers liens précaires qui subsistaient entre lui et les dirigeants de l'URSS.

À l'exception des Roumains, aucune délégation des pays de l'Est n'assiste au congrès du parti yougoslave, qui décide de ne pas participer au sommet communiste du 5 juin, à Moscou.