Adepte d'un nouveau réalisme, Richard Nixon se garde bien de définir en détail son programme pour l'avenir. Il faut attendre un mois pour avoir les premières indications. C'est le 22 février qu'il entame une vaste tournée des capitales européennes, qui va le conduire successivement à Bruxelles, Londres, Bonn, puis Berlin, Rome, Paris, et finalement au Vatican. Le but de ce premier voyage est clair : il s'agit pour Nixon d'effectuer un spectaculaire retour sur le vieux continent, longtemps ignoré de Johnson, dont les préoccupations étaient surtout asiatiques.

Conscient de la renaissance d'un certain nationalisme, Nixon évite de blesser l'amour-propre de ses interlocuteurs, en particulier du général de Gaulle, avec lequel il a trois longs entretiens privés. Refusant de prendre parti dans les querelles qui divisent les Européens, il met une sourdine aux relations spéciales américano-britanniques et évite de prêcher en faveur de l'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun.

À Bruxelles, au siège de l'OTAN, il célèbre bien les mérites de l'Alliance atlantique, mais abandonne le langage auquel il avait habitué son public du temps de la guerre froide, alors qu'il était le vice-président d'Eisenhower.

Comprendre plutôt que convaincre

De toutes ses escales européennes, c'est à celle de Paris qu'il attache le plus d'importance. Il s'agit pour lui, en effet, de réaliser l'une de ses promesses électorales : arriver à une normalisation des rapports entre le général de Gaulle et Washington. Il y parvient très bien, sans que pour autant toutes les divergences entre les deux pays soient aplanies. Mais les deux hommes visent plus à se comprendre qu'à se convaincre.

Les attentions de Richard Nixon, qui va jusqu'à saluer dans la personne du général de Gaulle « un géant parmi les hommes », et son acceptation d'une « Europe indépendante » transforment les entretiens de Paris en une rencontre très chaleureuse, qui se poursuit, au début d'avril, à Washington, où le général de Gaulle a tenu à se rendre pour assister aux obsèques de l'ex-président Eisenhower.

Ce rapprochement, sensible bien avant la visite à Paris de R. Nixon en raison de la désescalade de la guerre du Viêt-nam, des événements français de mai et juin 1968, de la crise du franc et de l'invasion de la Tchécoslovaquie, explique que la retraite du général de Gaulle n'ait pas été accueillie aux États-Unis avec la satisfaction qu'on aurait pu imaginer.

Richard Nixon a moins de succès dans trois domaines : l'Amérique latine, le Viêt-nam et le Moyen-Orient.

En Amérique latine, les quatre tournées de Nelson Rockefeller déclenchent, en mai et juin 1969, des troubles sanglants dans plusieurs pays. Les États-Unis accentuent encore le fossé qui les sépare du sous-continent ; à la Conférence de Port of Spain, en juin, ils rejettent le plan de coopération présenté par l'Amérique latine.

Sur le Viêt-nam, il faut attendre jusqu'au 14 mai 1969 pour que le président donne une définition claire de sa politique vietnamienne. Elle repose sur deux principes : « retrait mutuel des troupes étrangères du Viêt-nam du Sud » et « autodétermination du peuple sud-vietnamien ».

La première de ces exigences est mal accueillie par le FNL, qui exige toujours un retrait préalable des troupes américaines. Il n'en est pas de même de la seconde, qui ouvre la porte à un gouvernement de coalition. Ces ouvertures permettent un dégel de la conférence de Paris ; elles permettent également au président de faire taire un certain nombre de critiques à l'intérieur même des États-Unis, où l'on commençait à s'impatienter devant l'« attentisme » de R. Nixon. Le président, qui mise sur un renforcement de l'armée sud-vietnamienne, ne va cependant pas, dans son discours du 14 mai, jusqu'à annoncer un retrait unilatéral d'effectifs américains. Il ne s'y résoudra que lors de la rencontre de Midway, le 8 juin.

Dans la crise du Moyen-Orient, Richard Nixon finit par se rallier à l'idée d'une concertation à quatre (États-Unis, URSS, Grande-Bretagne et France), défendue par le général de Gaulle. Il s'agit là d'une concession, car le président compte, en fait, beaucoup plus sur une entente bilatérale avec l'URSS pour prévenir une nouvelle guerre dans cette région. Pour Nixon, le monde est passé « d'une ère de confrontation à une ère de négociation » et la coexistence pacifique avec l'Union soviétique doit être poursuivie par tous les moyens.