Pendant le sommeil paradoxal, nommé aussi « sommeil onirique » parce que c'est pendant cette phase qu'ont lieu les rêves, on constate des mouvements oculaires rapides. Aserinski et Kleitman ont décrit le rapport entre les mouvements oculaires rapides et les rêves, en constatant que les sujets étaient capables de se rappeler leur rêve s'ils étaient réveillés au moment où se produisaient les mouvements oculaires. Un autre argument en faveur de cette relation repose sur la durée subjective du rêve, qui paraît proportionnelle à celle des épisodes de mouvements oculaires qui précèdent le réveil.

La dissociation des deux phases du sommeil est fondée principalement sur des études concernant aussi bien la localisation anatomique des centres nerveux qui les produisent, que les différents médiateurs chimiques (substances libérées par les terminaisons des fibres nerveuses et intervenant dans la transmission de l'influx nerveux d'une cellule à l'autre) qui en sont responsables.

Le sommeil léger, à ondes lentes sur l'électro-encéphalogramme, peut être entraîné par injection d'une substance (5-hydroxytryptophan, 5-HTP), précurseur d'une monoamine, la sérotonine, hormone que les chercheurs suédois Dahlström et Fuxe ont pu mettre en évidence en 1964 dans les cellules nerveuses qui constituent les « noyaux du raphé ». Ces noyaux s'étagent au long de la ligne médiane, depuis le bulbe rachidien jusqu'à la partie supérieure du tronc cérébral. La preuve que les noyaux du raphé, principale source de la sérotonine, sont à l'origine du sommeil à ondes lentes a été fournie par le groupe de Jouvet, qui a montré (1966) que la destruction de cette zone du système nerveux central entraîne une diminution du taux de sérotonine dans le cerveau et rend insomniaques les animaux opérés.

Le syndrome d'insomnie produit par élimination des noyaux du raphé peut être aussi obtenu par inactivation réversible de la partie inférieure du tronc cérébral (où ces noyaux sont particulièrement bien représentés) à l'aide du refroidissement ou du blocage pharmacologique local, comme il ressort des expériences de l'école de Pise. D'après Moruzzi, le sommeil léger est la conséquence du freinage actif du centre de l'éveil situé dans la partie supérieure du tronc cérébral par les structures de l'endormissement, qui, elles, siègent dans sa partie inférieure. Néanmoins, outre ce mécanisme, on ne saurait ignorer le rôle de l'écorce cérébrale dans le déclenchement du sommeil léger, attesté par la disparition de ce sommeil après destruction du cortex cérébral.

Deux phases

Quant au sommeil paradoxal, il paraît être induit par un groupe de cellules constituant le locus coeruleus, ainsi nommé à cause de sa couleur bleuâtre, situé de part et d'autre de la protubérance (partie moyenne du tronc cérébral). À ce niveau, on a montré par des méthodes de fluorescence la présence d'un autre médiateur chimique, la noradrénaline. La destruction du locus coeruleus entraîne, d'après Jouvet, la disparition élective du sommeil paradoxal, comme celle du système du raphé fait disparaître le sommeil léger.

L'effet compétitif des deux substances, la sérotonine et la noradrénaline, sécrétées à deux niveaux du cerveau, respectivement le système du raphé et le locus coeruleus, pourrait ainsi rendre compte de l'enchaînement des deux phases du sommeil. Dans un premier temps, la sérotonine serait inhibitrice du centre de l'éveil, initiant le sommeil et faisant disparaître les rythmes rapides de l'électro-encéphalogramme et les mouvements oculaires. Dans une deuxième phase, et la plus profonde, la noradrénaline remplacerait la sérotonine, en annulant ses effets (d'où rythmes cérébraux rapides et mouvements oculaires) et en inhibant complètement le tonus musculaire.

La mémoire

Depuis que le siège de la mémoire a été situé, au XVIIe siècle, par Gassendi et l'anatomiste anglais Willis inter plicas cerebri, la science n'a pas cessé d'interroger le cerveau sur les mécanismes qui président à la rétention et à l'évocation des connaissances acquises. Par une méthode simple, mais constituant un instrument de travail très efficace, le réflexe conditionné, les expérimentateurs ont reçu de Pavlov le moyen d'obtenir des phénomènes de mémoire, dont l'analyse a pu être poussée par l'évolution ultérieure des techniques neurophysiologiques (stimulation électrique ou destructions localisées des structures cérébrales, enregistrement de l'activité électrique du cerveau pendant le comportement). On accepte maintenant que la circulation d'influx dans des circuits clos de cellules nerveuses interconnectées est à la base de la mémoire de courte durée, et que des remaniements de la structure moléculaire des neurones assurent les phénomènes de mémoire plus tardive et de longue durée. De nombreux travaux sur la transmission des caractères héréditaires et sur le codage moléculaire ont suggéré que les phénomènes de mémoire pourraient bientôt être fondés sur des mécanismes très similaires, comportant des modifications dans la structure des acides nucléiques (ADN et ARN). Le remaniement chimique comme base de la mémoire stable a tellement changé les idées dans ce domaine que certains auteurs ont mis en doute la dépendance de la mémoire d'une certaine organisation structurale du système nerveux central, en considérant le stockage de l'information comme un processus essentiellement chimique. Babich et Jacobson (1965) ont prétendu qu'après avoir établi un apprentissage chez des animaux, si ceux-ci sont sacrifiés et l'ARN contenu dans leur cerveau injecté à des animaux « naïfs » de la même espèce (et même d'espèce différente), on obtient un transfert de l'apprentissage. En d'autres termes, l'ARN des animaux « donneurs » facilite l'apprentissage des animaux « naïfs ».