L'enzyme isolée par Kornberg à partir de cellules bactériennes, les colibacilles, est capable de réaliser cette synthèse en tube à essai. Il suffit de mettre en présence de cette enzyme (l'ADN-polymérase) les 4 nucléotides précurseurs de l'ADN, une substance fournissant de l'énergie et un ADN servant de modèle, sur lequel sera copié le nouvel ADN synthétisé. C'est ce magnifique résultat qui avait valu le prix Nobel à Kornberg.

Une enzyme inactive

Jusqu'à présent on ne pouvait affirmer que l'ADN synthétisé in vitro était la copie exacte de celui qui avait servi de modèle. Bien qu'il possédât les propriétés physiques et chimiques de l'ADN naturel, il n'avait pas d'activité biologique et ne pouvait programmer la synthèse de protéines. Pourquoi ce demi-échec ?

On s'aperçut bientôt que l'ADN-polymérase préparé par Kornberg n'était pas parfaitement pur. Il se trouvait contaminé par des nucléases (enzymes qui brisent la chaîne d'ADN), qui causaient des ruptures dans l'ADN nouvellement synthétisé, détruisant ainsi son activité biologique. Le grand progrès accompli par Goulian et Kornberg fut de purifier parfaitement leur polymérase.

Ils choisirent alors comme matériel de travail l'ADN du bactériophage Φ X 174, un virus se développant aux dépens du colibacille. Sinsheimer avait montré que l'ADN de ce virus est représenté par une chaîne unique de 5 500 nucléotides ; de plus, cette chaîne n'est pas linéaire, mais apparaît comme un cercle. Cet ADN seul est infectieux, il peut pénétrer dans des formes sensibles de colibacilles et, grâce aux enzymes de son hôte, il se multiplie et forme la protéine caractéristique qui l'enveloppe, reconstituant le virus complet.

Synthèse en deux temps

Pour que l'ADN synthétisé in vitro sur le modèle de l'ADN du virus fût actif, il fallait donc qu'il fût capable d'injecter les bactéries et de reconstituer un virus complet. C'est ce que les chercheurs de Stanford University ont réalisé.

Ils mirent en contact dans un milieu convenable de l'ADN circulaire de virus et les 4 nucléotides, avec la polymérase de bactérie. En outre, ils remplacèrent l'un des nucléotides, la thymine, par son analogue, le bromouracile (BrU), qui, incorporé dans le nouvel ADN, lui confère une densité différente, sans changer ses propriétés.

Une nouvelle chaîne d'ADN, complémentaire de la première, est alors formée ; l'addition d'une deuxième enzyme, l'enzyme de jonction, réunit les deux extrémités de la chaîne pour en faire un cercle. Grâce à sa composition anormale, l'ADN contenant le BrU est séparé de son modèle, et sert à son tour de modèle pour la synthèse d'une nouvelle chaîne à partir, cette fois, des 4 nucléotides normaux. Cette seconde chaîne de synthèse devenue circulaire est tout à fait identique à la chaîne originale et elle a le même pouvoir infectieux.

On a ainsi réussi à préparer en tube à essai un ADN viral entièrement synthétique, identique au modèle initial, et capable de reconstituer son enveloppe protéique pour donner un virus complet au sein d'une bactérie.

Kornberg a insisté sur le fait que ces résultats pouvaient permettre d'envisager de façon nouvelle l'étude de l'ADN de virus cancérigènes. On pourra essayer de déterminer dans cet ADN quelle est l'information responsable de leur pouvoir cancérigène. Peut-être y verra-t-on aussi un espoir pour la thérapeutique des maladies héréditaires.

Le cerveau et le comportement humain

Il s'est tenu à Paris, du 11 au 15 mars 1968, un colloque international sur le thème : la recherche sur le cerveau et le comportement humain, organisé par l'UNESCO, en coopération avec l'Organisation internationale de recherche sur le cerveau (IBRO) et réunissant les spécialistes de vingt-deux nations. Des différentes communications et interventions faites tant aux tables rondes qu'aux séances plénières et séances publiques, trois thèmes fondamentaux se dégagent qui semblent mobiliser actuellement l'activité de nombreux chercheurs : les mécanismes du sommeil, les bases biochimiques des processus de mémoire, les structures cérébrales impliquées dans le déroulement des comportements affectifs.

Le sommeil

Les recherches de ces dernières années ont établi une différenciation assez nette entre les diverses phases du sommeil et ont abouti à des conclusions concernant les structures du cerveau qui en sont responsables, ainsi que les mécanismes plus intimes (biochimiques) qui les produisent. Depuis les travaux de Kleitman et Dément aux États-Unis et de Jouvet à Lyon (1957-58), on sait que les phases du sommeil « classique », caractérisées par un tableau électro-encéphalographique d'ondes lentes, sont entrecoupées de périodes de sommeil beaucoup plus profond, avec une atonie musculaire complète, mais pendant lesquelles l'activité électrique cérébrale ressemble d'une manière paradoxale à celle de l'état d'éveil. Cette « phase paradoxale » ne représente pas simplement une étape plus profonde du sommeil, mais un état qualitativement différent du sommeil léger qui le précède. En effet, les deux phases ne sont pas engendrées par les mêmes mécanismes.