Pour le grand public, ce n'était que le début d'un match qu'allaient se livrer, à coups de lancements, les deux grands de ce monde.

500 fois son poids d'or

Dix ans après, où en était-on ?

La réponse est d'abord dans quelques chiffres. Soixante-dix millions de kilomètres : telle est la somme des distances parcourues par les 36 astronautes satellisés de 1961 à 1967. Ainsi, sans avoir quitté la toute proche banlieue de la Terre, ils ont parcouru une distance 180 fois plus grande que celle qui nous sépare de la Lune.

Quant au nombre des sondes spatiales et des satellites lancés en dix ans par une vingtaine de types de fusées différents, il est d'environ 750, dont 5 par la France. En gros, 60 % de ces engins ont été lancés par les Américains (y compris 3 satellites britanniques, 2 canadiens, 2 italiens et 1 français) et 40 % par les Soviétiques (qui se rattrapent sur le poids, ne lançant que de gros satellites, alors que ceux des Américains ont souvent une masse de moins de 10 kg, les plus petits ERS ne dépassant pas 700 g).

Tout cela représente une masse lancée dans l'espace d'environ 1 800 t, mais coûte 500 fois son poids d'or, car le kilogramme d'engin spatial revient à quelques dizaines de millions de francs (!).

Avec de tels moyens, les résultats ne peuvent être qu'impressionnants. Le lanceur Vanguard de 10 t de 1957 a fait place au Saturne 5 de 2 700 t, et des sondes de plus en plus grandes ont été envoyées chaque fois plus loin. Elles ont enserré la Terre dans un cocon d'orbites ; elles ont atteint le sol même de la Lune et de Vénus ; elles ont photographié celui de Mars, étudié le Soleil. Déjà des satellites assurent des services publics.

Les spécialistes qui s'avisèrent de décomposer le bip-bip sur l'écran d'un oscilloscope s'aperçurent aussitôt que ce que l'ouïe percevait comme des sons monotones était, en fait, un train d'ondes sans cesse changeantes, des signaux modulés et porteurs d'informations codées : le premier Spoutnik était d'emblée un satellite actif.

La forme de la Terre

Actif ou passif, un satellite à orbite basse est soumis inexorablement à la loi de la Terre toute proche. L'atmosphère le freine plus ou moins, selon la densité de l'air, et abaisse son orbite à chaque tour ; la distribution inégale des masses dans le globe déforme son orbite et en fait tourner le plan. Réciproquement, de la simple observation des anomalies de l'orbite, on tire de précieux renseignements sur l'atmosphère et sur le globe lui-même.

C'est ainsi que l'aplatissement polaire de la Terre a pu être fixé très exactement à 1/298,25, alors que la valeur admise auparavant était de 1/297. Les satellites ont révélé combien était illusoire l'image d'un ellipsoïde de révolution aussi régulier que le souhaitaient les géodésiens.

En négligeant les irrégularités secondaires, voici le globe dépeint par les satellites : par rapport à un ellipsoïde, la région du pôle Sud forme une dépression, tandis que celle du pôle Nord forme une bosse ; le reste de l'hémisphère boréal est plutôt déprimé, alors que le reste de l'hémisphère austral est renflé jusqu'à l'équateur.

Si on corrige un cercle avec un crayon pour tenir compte de ces déformations, on obtiendra le contour d'une poire, à condition, toutefois, d'exagérer les déformations. Car dépressions et renflements atteignent respectivement – 79 et + 67 m, alors que le rayon terrestre est de 6 370 km.

De leur côté, les satellites géodésiques — y compris les Diadème français — ont offert un moyen inespéré d'améliorer les bases de la cartographie, puisqu'ils ont permis de mesurer avec une approximation de quelques mètres seulement les distances entre des points très éloignés, même lorsqu'ils sont séparés par des océans.

Redoutable Soleil

Les engins spatiaux spécialement conçus pour étudier le Soleil ont révélé à quel point la Terre est affectée par l'activité solaire. Les prolongements de la couronne solaire s'étendent jusqu'à l'orbite de Mars et au-delà.

Ainsi, la Terre gravite à l'intérieur d'une sorte d'atmosphère solaire constituée par des particules qui sont de la matière perdue constamment par notre étoile. En particulier, le vent solaire, découvert par Luna 2 en 1959, a fait l'objet d'études poussées. Il s'agit de bouffées de protons qui atteignent l'environnement terrestre à des vitesses de 500 km/s. Ce sont ces projectiles qui, en heurtant la haute atmosphère, la rendent luminescente sous la forme d'aurores polaires.