Ingres presque maniériste, tel qu'il nous apparaît dans ses petits tableaux troubadours, fort à la mode chez les romantiques, voilà qui dut surprendre ceux qui ne connaissaient ni Raphaël et la Fornarina, ni Paolo et Francesca.

Mis à part ses peintures d'histoire, ses véritables préoccupations, et les portraits qu'il fit à vingt-cinq ans de Madame Rivière et de Mademoiselle Rivière, au Bain turc, peint à quatre-vingt-deux ans, ce sont les figures humaines et les nus féminins qui jalonnent toute son œuvre. C'est là que se trouve son véritable génie. Les portraits d'hommes et de femmes réunis dans cette exposition, peintures très élaborées, dessins qu'il exécutait à Rome et à Florence pour vivre, composent une merveilleuse galerie. Et les nus de ses baigneuses, de ses odalisques, d'Angélique, trahissent un rêve sensuel indéfiniment poursuivi.

Farouche adversaire de Delacroix, mais en révolte contre son maître David, Ingres était classique en ceci que l'accidentel ne l'intéressait pas. Il se préoccupait de ce qui, échappant au temps, prend la grandeur immuable des beautés éternelles. Durant toute son existence, il s'acharna à concilier ces deux inconciliables, la vie éphémère et sa représentation idéale soustraite à la durée. On le vit bien dans cette exposition, qui, pour certains, fut peut-être une leçon, un exemple de probité, en tout cas.

Théodore Rousseau
(musée du Louvre, Paris, 29 novembre 1967-12 février 1968)

Le public a injustement boudé cette belle exposition d'un peintre qui, au cours des cinquante-cinq ans de son existence, se voua au paysage.

Mais cette sorte d'injustice, Rousseau la connut de son vivant. Mis à part quelques années, il se débattit dans d'interminables difficultés d'argent ; il se vit maintes fois refusé au Salon, ce qui le décida, aux environs de sa trente-cinquième année, à se retirer près de la forêt de Fontainebleau, où il se lia, un peu plus tard, avec Millet. Chef de file de cette école dite de Barbizon, qui joua un rôle important dans l'évolution de la peinture au xixe s., Théodore Rousseau, influencé sans doute par l'esprit du romantisme, mais surtout amoureux fervent de la nature et audacieux dans ses conceptions picturales, multiplia les études de la lumière, précurseur des impressionnistes.

Ses toiles, souvent trop travaillées, trop empâtées, vieillirent parfois mal, s'assombrissant. Mais dans cette rétrospective, on découvrait un peintre épris de couleur, dont le réalisme est celui d'un poète, d'un grand paysagiste.

Vingt ans d'acquisitions du musée du Louvre
(16 décembre 1967-15 mars 1968)

Un prodigieux rassemblement d'œuvres d'art, parmi lesquelles se rencontraient maints chefs-d'œuvre, cette exposition importante n'attira, en fait, que peu de visiteurs.

Le Louvre n'avait pas montré ses acquisitions depuis 1945.

Vingt années se sont écoulées depuis, et chacun des départements du musée a continué de s'enrichir. La difficulté, pour les conservateurs en chef et pour André Parrot, commissaire général de l'exposition, fut le choix. Une sélection sévère joua en faveur d'une exceptionnelle qualité, que rehaussait une admirable présentation.

Le visiteur trouvait là comme une sorte d'échantillonnage de tout l'art du monde, depuis ses origines jusqu'aux impressionnistes compris, de l'Égypte ancienne à la Grèce, de Sumer à la Hollande, du Luristan à la Sienne de Sassetta, sculptures, peintures, objets d'art, tapisseries, dessins, meubles. Sans doute, la plupart de ces pièces se trouvent déjà dans les collections du musée, exposées aux regards des visiteurs. Pas toutes pourtant ; on pouvait faire des découvertes. C'est que certains des dons sont assortis de la clause d'usufruit, le donateur gardant l'œuvre jusqu'à sa mort.

Severini
(musée national d'Art moderne, Paris, 6 juillet - 8 octobre 1967)

Ami de Boccioni, de Balla, lié aux cubistes, signataire du premier manifeste futuriste, Gino Severini fut l'un des initiateurs de l'exposition des futuristes à Paris, en 1912. La toile qu'il y montrait, la Danse du panpan au Monico, et quelques autres de cette époque ont été cette fois encore la partie la plus intéressante de cette rétrospective. Severini tentait alors la synthèse difficile de deux tendances opposées, celle du cubisme, essentiellement statique, et celle du futurisme, voué à la traduction du mouvement.