Journal de l'année Édition 1968 1968Éd. 1968

Certes, le général Thieu, s'il est disposé à traiter avec Hanoi, refuse catégoriquement toute discussion avec le FLN et demeure hostile à un gouvernement de coalition.

Palestine

Incidents aux frontières et guerre de discours

Un an après la guerre de six jours et la fulgurante victoire d'Israël, le contentieux palestinien demeure entier. Certains problèmes nés de la création de l'État d'Israël, en 1948, se sont même aggravés. Les hostilités ont entraîné un nouvel exode d'Arabes : près de 400 000 anciens et nouveaux réfugiés ont quitté les territoires occupés par Israël (Cisjordanie, Gaza, les hauteurs de Golan en Syrie) pour chercher asile, en majorité, en Transjordanie.

Les activistes qui prônent la guérilla contre Israël, peu nombreux avant la guerre de juin, ont trouvé dans les camps de fortune érigés pour les réfugiés, de nombreux adeptes. Plusieurs organisations de commandos opèrent dans les territoires occupés. Les plus importantes sont : El Fatah (la plus puissante, regroupant des militants de toutes tendances), le Front de Libération de la Palestine (gauchiste) et l'Armée de Libération de la Palestine (relevant de l'Organisation de Libération de la Palestine fondée par Ahmed Choukeiri).

La guérilla s'intensifie

Rivales sur le plan politique, ces organisations ont souvent entrepris des opérations combinées : sabotages, attentats, embuscades. Les pertes qu'elles ont infligées aux Israéliens sont modestes par rapport à celles qu'elles ont subies, à en croire les chiffres fournis début mai 1968 par le général Dayan. Le nombre des victimes indique, néanmoins, l'ampleur de la résistance armée, dont personne ne nie qu'elle n'a cessé de se développer.

Il n'en demeure pas moins que les organisations palestiniennes n'ont pas réussi – au cours de la période – à s'implanter solidement dans les territoires occupés. Leurs bases demeuraient pour la plupart, sinon toutes, installées au-delà des lignes du cessez-le-feu. La zone de Gaza constituant une exception, les autorités militaires ont, le 10 janvier 1968, rasé en partie deux camps de réfugiés où des fedayin avalent réussi à s'incruster.

En raison des sévères mesures de sécurité prises par les Israéliens et aussi parce que le terrain se prête mal à une guérilla indigène, les commandos palestiniens préfèrent traverser le Jourdain pour accomplir leurs coups de main. D'où la multiplication des incidents de frontières et les raids de représailles effectués par l'État hébreu contre la Transjordanie du roi Hussein.

Des affrontements sanglants se produisent également sur les frontières du Liban et de la RAU.

Les accords sont caducs

Malgré la tension sur les lignes du cessez-le-feu et l'intensification de la guérilla dans les territoires occupés, les dirigeants israéliens s'estiment satisfaits de leur victoire militaire. Celle-ci leur a, d'abord, permis de détruire en grande partie la capacité de combat de leurs adversaires. En dépit des livraisons d'armement soviétique, qui ont compensé les pertes enregistrées par les forces égyptiennes et syriennes, les experts militaires ont évalué à plusieurs années – de trois à dix, selon le cas – le temps qu'il faudra aux armées arabes pour être en mesure de livrer bataille valablement.

Autre source de satisfaction des dirigeants israéliens : la victoire leur a permis de déclarer caducs les accords d'armistice de 1949, ainsi que les frontières alors tracées, jugées indéfendables. Dès le 10 juin 1967, le ministre israélien de l'Information déclarait que l'État ne rentrera pas dans les frontières qui étaient les siennes avant le conflit. Le 24 juillet, le général Rabin, chef d'état-major, affirmait : « Jamais, depuis la création de l'État d'Israël, nous n'avons eu des frontières aussi aisées à défendre. Pour la première fois, aucun de nos villages n'est sous le feu des canons égyptiens ou syriens et nous avons, avec la Jordanie, une frontière naturelle. Désormais, nos frontières sont plus proches de Damas et du Caire que de nos centres vitaux (...) »

Immigration massive

Aux préoccupations d'ordre stratégique s'ajoutent des considérations idéologiques et nationales qui poussent certains dirigeants israéliens à revendiquer l'annexion d'une partie ou de l'ensemble des territoires occupés. Parlant du « rêve ancestral d'un peuple » devant le congrès de son parti, le Rafi, le général Dayan déclarait le 9 août : « L'étranger doit comprendre qu'à part toute l'importance stratégique que représente pour Israël le Sinaï, les hauteurs du Golan, le détroit de Tiran et les monts à l'ouest du Jourdain, ces régions se situent au cœur de l'histoire juive. Si l'on possède le livre de la Bible, on devrait posséder également les terres bibliques – celles des juges et des patriarches – de Jérusalem, de Hébron, de Jéricho et d'autres lieux encore ».