Journal de l'année Édition 1968 1968Éd. 1968

Enfin, l'offensive militaire s'est doublée partout d'une offensive psychologique. Le FNL s'est manifesté comme une force politique organisée, invitant les populations sud-vietnamiennes à rejoindre ses rangs.

Des organismes de « récupération » ont été mis en place afin de recueillir les militaires ou les fonctionnaires « déserteurs ».

La confiance ébranlée

Incontestablement, le Viêt-cong, dès son entrée dans les villes, a pu compter sur le soutien de larges couches de la population. Sinon, jamais il n'aurait pu rester si longtemps dans certains quartiers de Saigon ou de Hué. En revanche, ce soulèvement massif des populations urbaines que le FNL semblait espérer ne s'est pas produit.

Les Américains, pour leur part, peuvent estimer avoir brisé l'offensive. Ils peuvent affirmer également que le Sud-Vietnamien moyen n'a pas suivi le FNL. Toutefois, cela ne signifie pas qu'il soutient les États-Unis. Il apparaît, au contraire, que les succès du FNL ont sérieusement ébranlé la croyance des populations urbaines, pour lesquelles la présence des Américains était une garantie de sécurité.

Pour les Américains, les combattants vietcongs et leurs alliés nord-vietnamiens sont à bout de souffle ; ils ont lancé toutes leurs forces dans la bataille et ne pourront plus, pendant un certain temps, déclencher de nouvelles offensives.

Les événements semblent d'abord confirmer leur analyse. Les grosses unités régulières vietcongs et nord-vietnamiennes qui encerclaient Saigon après l'offensive du Têt se sont soit dissoutes, soit repliées dans leurs zones de refuge. Sur les hauts plateaux, la situation est analogue : l'adversaire s'est évanoui.

Le 11 mars, le commandement américain a déclenché, selon ses propres termes, « la plus vaste opération lancée depuis le début de la guerre ». C'est l'opération « décidés à vaincre », à laquelle participent 50 bataillons américano-sud-vietnamiens. Pendant des jours, ceux-ci vont ratisser les environs de Saigon et une partie des hauts plateaux. En vain. Malgré quelques accrochages, les unités gouvernementales ne rencontrent pas de concentrations importantes. Aucune vraie bataille ne s'engage avec les 45 bataillons vietcongs que les Américains auraient voulu casser.

Sur la défensive

Le seul point dur reste le front Nord, le long de la zone démilitarisée. Aux yeux du commandement américain, c'est là que pèse la menace la plus sérieuse. La base de Khe Sanh est toujours assiégée par 15 000 à 20 000 Nord-Vietnamiens, qui, sans relâche, font pleuvoir sur les 6 000 Marines de la base un déluge de fer et de feu. Mais là aussi, brutalement, l'étau nord-vietnamien semble se desserrer.

Après le discours de Johnson annonçant un arrêt partiel des raids contre le Nord, début avril, tout se passe comme si le siège de la base était levé et à marche forcée une colonne américaine assure de nouveau la liaison avec Khe Sanh qui, depuis janvier, n'était ravitaillé que par l'aviation. Au cours de leur progression, les unités américaines n'ont pratiquement rencontré aucune résistance. Est-ce un « geste » de Hanoi en réponse aux propositions de Johnson ? On le croit. Sur tout le territoire sud-vietnamien, la guerre semble s'éteindre.

Il n'en est rien. Les combats reprennent avec violence. Les troupes du FNL, qui d'abord avaient fui le contact, reprennent l'initiative, et le 22 avril les Nord-Vietnamiens réapparaissent à Khe Sanh.

C'est le 5 mai que le FNL déclenche une nouvelle offensive générale sur tout le Viêt-nam du Sud. Saigon et 121 objectifs répartis sur l'ensemble du territoire sont attaqués en même temps. Cette offensive n'aura pas l'ampleur de celle du Têt et, quelques jours plus tard, les Américains pourront affirmer qu'ils l'ont brisée. La réalité est plus complexe. Le FNL, une nouvelle fois, manifeste partout sa présence. Hué, Dong Ha, Dak To, Da Nang, Khe Sanh (qui sera évacué fin juin par les Américains), les hauts plateaux sont le théâtre de dures batailles. Et, comme en février, les Américains, dans la plupart des cas, sont sur la défensive.

Combats dans la capitale

Saigon apparaît comme l'objectif essentiel visé par le FNL. L'offensive du Têt avait déjà ébranlé la capitale sud-vietnamienne. L'offensive du 5 mai l'installe complètement dans la guerre. En deux mois, le Viêt-cong, maître du Delta, a pu, ne serait-ce qu'en puisant dans les camps de réfugiés, constituer des troupes fraîches pour les lancer à l'assaut de la ville. Fin juin, cette seconde bataille de Saigon n'était pas terminée. Elle prenait la forme d'une guerre d'usure contre laquelle les forces américaines ne pouvaient rien.