Chez les communistes, qui ont pris aux premiers jours de la crise une position très dure et très simple — Israël est impérialiste, les pays arabes sont dans le camp socialiste —, des intellectuels juifs sont troublés et le disent. À la Fédération, on trouve quelques pro-arabes, en nombre insignifiant, une fraction modérée qui semble un moment menée par F. Mitterrand, et une majorité violemment pro-israélienne conduite par Guy Mollet. Le PSU, enfin, s'efforce de se tenir à l'écart de tout choix trop tranché. La gauche est donc tout aussi divisée que sur l'Europe, plus encore que sur la politique Atlantique.

Le Centre est pro-israélien, à l'exception de quelques éléments isolés. La droite est surtout anti-arabe. Mais le plus curieux est l'attitude des gaullistes. Tandis que le général charge de plus en plus Israël, se rapproche de plus en plus des thèses soviétiques sur l'interprétation du conflit, ses compagnons se partagent entre une action vigoureuse et publique en faveur des juifs, un silence gêné qui est une critique implicite et une approbation rituelle, mais discrète. On trouve les noms, les visages de gaullistes dans tous les camps. Pour la majorité, comme pour l'opposition, le conflit du Moyen-Orient est une épreuve.

Simplification et division

La majorité a, de plus, ses propres problèmes internes et ses difficultés tant au Parlement que dans le pays, ainsi qu'on l'a vu plus haut. À gauche, l'année politique 1966-67 s'achève aussi dans un climat de tension et de découragement à la fois.

Pour la Fédération, la controverse sur la fusion des trois familles politiques qui la composent — SFIO, parti radical et Convention des clubs — prend le pas sur les délicates questions que posent les négociations avec le PSU et surtout avec le PC.

La SFIO, qui est l'organisation la plus forte, pousse à la naissance rapide d'un grand parti de gauche non communiste, où la part de chacun serait proportionnelle à son importance. La Convention, qui avait été la première avant les élections à réclamer cette fusion, alors que les socialistes temporisaient, se montre moins pressée. Si les pourparlers se nouent avec les communistes, qui continuent à réclamer le programme commun, on sent que le cœur n'y est plus, pour un temps au moins.

Au centre enfin, l'échec électoral a curieusement provoqué un double mouvement : vers la dislocation du Centre démocrate dans le pays, vers la concentration des élus centristes venus d'horizons fort divers au Parlement. Jacques Duhamel, leader parlementaire des centristes, a paru éclipser Jean Lecanuet.

Tel est, à la veille des vacances 1967, le climat de la politique française. À la rentrée, il faudra affronter de nouvelles échéances électorales : celle des cantonales, fixées au 24 septembre et au 1er octobre ; celle des élections législatives partielles, qui résultent de l'invalidation de 4 députés par le conseil constitutionnel, le 18 juillet. L'année a été pleine, riche d'événements, mouvementée parfois. Elle a été marquée par une rude bataille électorale, qui n'a pas mis fin aux affrontements et a même accru l'incertitude.

L'avenir s'annonce difficile aussi bien pour un pouvoir discuté que pour une majorité et des oppositions également divisées. Plus que jamais, les poussées de fièvre sociale et les crises internationales risquent de retentir sur la marche des affaires intérieures. Surtout, si la bipolarisation a progressé vivement, à la satisfaction des partisans d'une simplification de la vie publique, la division en deux camps de force presque égale a paru ressusciter les luttes politiques, au grand dam de la stabilité depuis neuf ans retrouvée.