Élections

Les législatives des 5 et 12 mars

Les préparatifs des élections législatives des 5 et 12 mars 1967 ont largement dominé toute l'année politique 1966, étudiée d'autre part.

La campagne proprement dite, devant l'opinion, a commencé en fait vers la fin du mois de janvier 1967, lorsque les grandes formations eurent achevé de fixer leur tactique et leurs alliances, de dresser et de publier les listes de leurs investitures.

Tour à tour, la majorité Ve République (qui comprenait l'UNR-UDT, les gaullistes de gauche et les républicains indépendants de Valéry Giscard d'Estaing), la Fédération de la gauche (socialistes SFIO, radicaux, clubs, réunis sous la présidence de François Mitterrand), le Centre démocrate (indépendants et MRP, présidés par Jean Lecanuet), enfin le parti communiste donnaient le signal de la bataille en rassemblant à Paris leurs candidats, qu'ils présentaient au cours de larges manifestations populaires au palais des Sports ou à la Mutualité.

Les organisations moins importantes — Parti socialiste unifié (PSU), Alliance républicaine pour les libertés et le progrès de Jean-Louis Tixier-Vignancour, Rassemblement européen de la liberté (REL) de Dominique Venner, gaullistes dissidents de la Convention Ve République de Pierre Draillard et J. Bégué, Centre démocrate et républicain de Roger Palmiéri — se tenaient prêtes.

La campagne

Le général de Gaulle ouvre le feu le 9 février avec une allocution radiotélévisée au ton assez rude qui suscite les protestations de l'opposition. Très vite, la campagne prend une ampleur exceptionnelle pour une consultation législative.

Les leaders de la majorité et de l'opposition sillonnent la France en tous sens, multipliant les réunions et les meetings ; des heures durant, chaque jour, les radios privées diffusent des interviews, des débats, des déclarations d'hommes politiques de tous bords. Les manifestations des partis attirent un public nombreux.

Les moyens modernes de la propagande sont mis en œuvre pour la première fois sur une vaste échelle, notamment par la majorité, qui a conclu un contrat avec une agence spécialisée dans le marketing politique, Services et méthodes, qui a lancé en Europe les produits James Bond 007 et organisé la campagne présidentielle de Jean Lecanuet. Les deux sommets de la course acharnée que se livrent les deux camps se situeront à Nevers le 22 février et à Grenoble le 27 : des confrontations publiques passionnées et houleuses, suivies par des millions d'auditeurs de la radio, opposeront le Premier ministre, Georges Pompidou, successivement à François Mitterrand et à Pierre Mendès-France.

Sur le fond, la campagne apporte peu d'éléments vraiment nouveaux. Elle roule principalement sur le thème des institutions, autour de la question suivante : que se passera-t-il, que fera de Gaulle, si les députés de la Ve République ne sont pas en majorité absolue dans la prochaine assemblée ? Hypothèses contradictoires s'entrecroisent.

On relève d'autre part que Jean Lecanuet, de jour en jour, se montre moins intransigeant, moins fermé à l'idée d'un rapprochement avec le gaullisme, à condition que le régime accepte d'infléchir un peu sa politique européenne et sociale.

François Mitterrand traite très souvent de l'unité de la gauche, ainsi que les communistes. Pierre Mendès France, pour sa part, met l'accent sur l'idée de programme commun. Valéry Giscard d'Estaing, qui souligne son « oui » pour faire un peu oublier son « mais », et les chefs des partis classiques, Guy Mollet (SFIO), Roger Billères (radical), Joseph Fontanet (MRP), Camille Laurens (CNI), sont remarquablement discrets. Les apparitions des leaders à la télévision — à raison d'une heure et demie en tout pour la majorité et autant pour les oppositions ensemble, plus sept minutes pour le PSU — ne seront ni aussi suivies ni aussi importantes que pendant la campagne présidentielle.

Le doyen d'âge de l'Assemblée : Hippolyte Ducos, 86 ans.

Le benjamin : Alain Terrenoire, 26 ans.

Le style de nos campagnes électorales a quelque peu changé ; las réunions dans las préaux d'école ne connaissent plus l'affluence de jadis et las bataillas d'affiches sa sont beaucoup calmées. Si les réunions dans les cafés ont encore gardé quelques vertus, les réunions sur les places de marché, en province, ne provoquent plus le même enthousiasme qu'autrefois.