Les Français sont habitués, désormais, à ce que les leaders des partis politiques viennent, tout simplement, à domicile solliciter leur suffrage sur l'écran de la télévision.

Tout au plus, ils ne se dérangent que pour les combats singuliers, les rencontres entre grands ténors. Mais antre deux discours, entre deux professions de foi, comment maintenir l'électeur en haleine ? Par le gadget. Il avait fait une timide apparition lors des élections présidentielles, et aux législatives de 1967 toutes les grandes formations politiques l'ont adopté et répandu dans le public à Paris et en province.

C'est, en fait, la première fois que la corps électoral s'est vu paré de la sorte avec tant de bagues, bracelets, insignes, « badges », macarons.

À cette liste se sont ajoutés la photographie en couleurs, le disque et même le film, qui n'a pas été négligé comme agent électoral.

Le premier tour

Le premier tour se déroule dans les 470 circonscriptions de la métropole — 5 de plus qu'en 1962 — et pour les 17 sièges des territoires ou départements d'outre-mer le 5 mars.

On compte 28 millions et demi d'électeurs et électrices (53 %) en métropole, 650 000 outre-mer. Il y a 2 190 candidats, à peu près autant qu'en 1962. Deux étiquettes sont représentées dans toutes les circonscriptions, sans exception : celle du parti communiste et celle de la Ve République.

La Fédération de la gauche présente 416 candidats, le Centre démocrate 360, le PSU 106 ; les petites organisations de droite et de gauche, qui ont toutes moins de 50 représentants, et les sans-étiquette, modérés et gauches divers, représentent environ 470 candidats.

À la veille du scrutin, suscitant de nouvelles et véhémentes protestations, le général de Gaulle prononce une nouvelle allocution radiotélévisée pour exhorter les Français à confirmer la majorité sortante.

Les résultats de ce premier tour se résument ainsi : la participation est considérable (19,1 % d'abstentions seulement) ; la Ve République maintient intégralement ses positions en voix (37,75 %) ; le parti communiste progresse légèrement (22,46 %) sans retrouver son électorat de 1956 ; la Fédération de la gauche, qui a moins de suffrages que le PC (18,79 %) — mais elle n'est pas présente partout —, ne retrouve ni les voix de François Mitterrand à l'élection présidentielle, ni la totalité des électeurs des partis qui la composaient en 1962 ; le Centre démocrate recule plus nettement encore (12,79 %, mais une fraction des voix classées divers lui revient en fait) par rapport aux indépendants et MRP et à la candidature Lecanuet de 1965. L'extrême droite est écrasée (0,87 %), le PSU demeure peu important (2,26 %), les gaullistes dissidents, centristes et divers de droite ou de gauche ne figurent guère (5,08 %). Il y a 81 élus, dont 11 membres du gouvernement.

Élus du précédent gouvernement

André Bettencourt, Pierre Billotte, André Bord, Robert Boulin, Yvon Bourges, Jean de Broglie, Charles de Chambrun, Michel Debré, Pierre Dumas, Edgar Faure, Christian Fouchet, Jean Foyer, Roger Frey, Michel Habib-Deloncle, Louis Joxe, Raymond Marcellin, Jacques Marette, François Missoffe, Roland Nungesser, Alain Peyrefitte, Edgard Pisani, Georges Pompidou.

Quatre ministres battus

Pierre Messmer, Jean Charbonnel, Maurice Couve de Murville, Alexandre Sanguinetti.

Deux ministres ne se sont pas présentés

André Malraux, Jean-Marcel Jeanneney.

Le ballottage

La semaine du ballottage va voir se produire parallèlement deux phénomènes qui pèseront lourd sur le second tour.

D'une part, la Ve République considère qu'elle a partie gagnée ; ses chefs ne feront pratiquement plus d'efforts de propagande, ses candidats ne se retireront que dans une trentaine de circonscriptions sans chercher à monnayer leurs désistements, sauf dans deux ou trois cas isolés, contre des appuis ailleurs.

D'autre part, l'accord électoral de la Fédération de la gauche, du parti communiste et du PSU jouera à plein et un candidat unique des trois formations sera maintenu dans toutes les circonscriptions, sauf quatre cas d'indiscipline (chez les socialistes), aussitôt sanctionnés par des exclusions. Mieux : les communistes accepteront de retirer 16 de leurs candidats au profit d'un fédéré, qu'ils avaient pourtant devancé, de quelques centaines de voix en général, au premier tour. Le Centre démocrate, enfin, ne pourra maintenir qu'une soixantaine de représentants.