Le scrutin est secret. La réélection de Jacques Chaban-Delmas (261 voix contre 214) est plus aisée qu'on ne le prévoyait généralement. Les gaullistes triomphent : il y a donc bel et bien une majorité absolue. Déjà une autre préoccupation tient la vedette : la composition du nouveau gouvernement.

Le remaniement

Georges Pompidou, confirmé dans ses fonctions, apportera assez peu de changements à son équipe. Ainsi, bien qu'ils aient été tous deux battus aux élections législatives, l'un à Paris, l'autre à Lorient, Maurice Couve de Murville et P. Messmer restent ministres, aux Affaires étrangères et aux Armées. Quelques nouveaux venus, qui sont parfois des revenants : Edmond Michelet, Maurice Schumann, Jean Chamant, Olivier Guichard ; des promotions ou mutations : Roger Frey devient ministre d'État, Christian Fouchet lui succède à l'Intérieur, Alain Peyrefitte passe à l'Éducation nationale, Louis Joxe est nommé garde des Sceaux. Pour le reste, une simple relève marquée par les départs de Jean Foyer, Jacques Marette, Jean de Broglie, Charles de Chambrun, Michel Habib-Deloncle, et des deux autres battus du 12 mars, Alexandre Sanguinetti et Jean Charbonnel ; et par l'entrée dans le cabinet de Henri Duvillard, Yves Guéna, Georges Gorse, Jacques Chirac. Au total, sept départs, huit mutations, autant d'entrées ou retours, et quatorze maintiens en place.

Le Premier ministre va, selon la Constitution et l'usage, présenter son programme à l'Assemblée. Il ne prend cependant pas le risque d'un scrutin, et son discours, le 18 avril, apparaît remarquablement creux et vague. Ce n'était certes qu'une formalité, mais on s'interroge néanmoins sur les raisons pour lesquelles G. Pompidou l'a remplie de si mauvaise grâce. Une explication satisfait tout le monde : le général de Gaulle a fait annoncer qu'il tiendrait une conférence de presse le 16 mai et le Premier ministre n'a sans doute pas voulu s'engager avant les déclarations du chef de l'État. Ce dernier, de son côté, n'a-t-il pas paru vouloir aiguillonner le gouvernement en faisant dire par le ministre de l'Information qu'il souhaitait une action plus dynamique ?

Relève à l'Élysée

Les trois hommes clés de la « maison présidentielle » ont changé.

Le poste de secrétaire général de la présidence de la République, qu'occupait depuis février 1962 Étienne Burin des Roziers, a été confié à Bernard Tricot, secrétaire général pour l'administration du ministère des Armées. B. Tricot avait déjà appartenu, de 1959 à 1962, au secrétariat général, comme conseiller technique, et il avait pris part en cette qualité aux difficiles négociations qui aboutirent à la paix en Algérie. Burin des Roziers est devenu ambassadeur de France à Rome.

Enfin, le vice-amiral d'escadre Jean Philippon, chef de l'état-major particulier du président de la République, a été remplacé à ce poste par le général de division Lalande.

Dans les fonctions de directeur du cabinet du chef de l'État, Xavier Daufresne de la Chevalerie, ministre plénipotentiaire, a succédé à Georges Galichon, conseiller d'État, qui occupait ce poste depuis 1961 et a été nommé président du conseil d'administration de la Compagnie Air France.

Les pouvoirs spéciaux

Cette fameuse raison n'est pas la bonne, comme on ne tardera guère à s'en apercevoir. Le 26 avril, la nouvelle éclate, provoquant une vive surprise, à l'issue du Conseil des ministres hebdomadaire : le gouvernement va demander au Parlement des pouvoirs spéciaux. Plus exactement, il invoque l'article 38 de la Constitution et réclame le droit de prendre par ordonnances des mesures d'ordre économique et social qui devraient normalement faire l'objet de lois. Justification : la nécessité de mettre la France en état d'affronter l'échéance du 1er juillet 1968, la libération complète des échanges entre les Six. Durée de ces pouvoirs : jusqu'au 31 octobre 1967. Domaines visés : l'emploi, la Sécurité sociale, la participation des travailleurs aux progrès de l'expansion, la conversion des entreprises, et, d'une manière plus générale, la préparation au Marché commun.