La pédagogie appliquée dans les IUT est différente de celle des facultés : elle accorde une large place aux exercices pratiques et à la réflexion sur les problèmes concrets. Pour mettre cette nouvelle formule au point, le ministère a décidé de commencer par une période expérimentale et de ne généraliser que très progressivement ce type d'établissement. Cinq IUT ont été ouverts en 1965-66. Il y en avait 13 en 1966-67. Le Ve plan prévoit qu'ils accueilleront 25 % des étudiants en 1972.

Les étudiants titulaires du diplôme universitaire de technologie pourront poursuivre leurs études en faculté et s'inscrire directement dans le deuxième cycle. Ils pourront, cependant, être astreints à suivre certains enseignements complémentaires du premier cycle si le doyen estime que leur formation générale est insuffisante.

Mettre fin au cloisonnement

Réforme des deux premiers cycles en lettres et en sciences, création des IUT : il est déjà assuré que le vent de réforme qui souffle sur l'université ne s'arrêtera pas là. Déjà, en effet, une deuxième révolution s'annonce. Ses grandes lignes ont été tracées au colloque de Caen, qui, en novembre 1966, a réuni plus de 300 personnes (universitaires, administrateurs, industriels...). Cette manifestation était organisée par l'Association d'étude pour l'expansion de la recherche scientifique.

Il ne s'agit plus, cette fois, de modifier les programmes et l'organigramme de l'enseignement supérieur, mais, entreprise plus délicate et plus profonde, de s'attaquer au fonctionnement interne de l'université française afin de l'adapter aux mutations considérables — démographiques, économiques et techniques — du monde moderne, et à la concurrence internationale.

Le premier objectif des animateurs du colloque de Caen — parmi lesquels figurent notamment Lichnerowicz, professeur au Collège de France, Monod, prix Nobel, Zamansky, doyen de la faculté des sciences de Paris, Crémieux-Brilhac, est de mettre fin aux cloisonnements et à l'absence de communication entre les disciplines et même entre professeurs d'une même discipline. Cette rigidité de l'enseignement supérieur provient d'abord de la division en facultés. De nombreux domaines de la science, dont le développement est récent, relèvent de disciplines actuellement enseignées dans des facultés différentes : biologie, géographie, sciences humaines... Des recherches effectuées dans des facultés de lettres, de sciences ou de médecine font appel aux mathématiques, à l'économie ou à la sociologie... De plus en plus, des relations suivies entre les disciplines se révèlent nécessaires.

Universités indépendantes

Il n'est plus possible à un universitaire chercheur de rester cloisonné dans son propre domaine. Il faut constituer des équipes interdisciplinaires. Cette collaboration se fait difficilement dans le cadre des facultés actuelles : un scientifique ne peut être nommé dans une faculté de médecine, ni un juriste dans une faculté des lettres. L'université n'est qu'un cadre administratif regroupant les facultés, qui gardent leur autonomie.

Le colloque de Caen a souhaité la création de véritables universités autonomes qui grouperaient des enseignements complémentaires, sur le type américain ou anglo-saxon. Ces universités, qui ne comporteraient pas de facultés distinctes, mais seraient des ensembles indépendants, ne correspondraient pas aux limites géographiques des académies. Il pourrait y en avoir plusieurs par académie. L'académie de Paris, notamment, en comprendrait une quinzaine, et les grandes métropoles d'équilibre en auraient plusieurs. Les universités seraient relativement spécialisées. Il serait souhaitable également, selon les animateurs du colloque, qu'une certaine concurrence s'instaure entre elles. Elles n'auraient pas de monopole de recrutement sur une aire géographique, comme c'est le cas actuellement, mais les étudiants s'y inscriraient librement, attirés par le renom de tel professeur ou de telle équipe de recherche.

Les professeurs seraient rattachés à l'université et non à une faculté. Chaque université comprendrait 20 000 étudiants au maximum, afin d'éviter de constituer des ensembles gigantesques très difficiles à gérer et inhumains.

Méfiance des littéraires

À l'intérieur des facultés, le système actuel des chaires ayant leurs propres laboratoires serait supprimé pour faire place à des formules collectives : les départements d'enseignement et les instituts de recherche administrés par des présidents élus pour un temps limité.