Cunningham prend conscience de la véracité du temps présent, d'un univers fait de bruits, de chocs, de paroles, fait de lumières ouatées, de faisceaux lumineux et d'obscurités.

L'événement théâtral

Ce chorégraphe nous rappelle que l'homme du xxe siècle doit contempler l'événement, doit le dominer, l'accepter, vivre avec lui ; que l'art de la danse, s'il ne veut pas mourir, doit entrer dans son époque, se familiariser avec elle, sentir le monde du vaisseau spatial, de la bombe H, de l'électronique, et qu'il doit écarter tout dialogue ou narration.

Parmi les ballets inscrits aux deux programmes de sa Compagnie, How to pass, kick, fall and run, Variation V, sur la musique de John Cage, et Nocturnes, d'Erik Satie, sont à retenir. Merce Cunningham a su imprimer aux membres de sa troupe la marque de son propre style. Tous ses danseurs sont des artistes exceptionnels, en particulier sa partenaire Carolyn Brown.

Si Paris a accueilli les ballets de Cunningham avec moins de réserve que Londres, ils n'ont pas soulevé l'enthousiasme que la jeunesse a manifesté, en décembre 1966, au Roméo et Juliette d'Hector Berlioz, présenté par Béjart, dans le cadre du palais des Sports, par le Ballet du xxe siècle.

Peu convaincants

Chaque production de Maurice Béjart est désormais un événement théâtral important. En fait, le public est plus captivé par l'aspect théâtral de ses oeuvres que par les qualités purement chorégraphiques de cet artiste, qui, pour autant, n'en demeure pas moins un des personnages les plus attachants de sa génération.

Béjart est avant tout un metteur en scène original, ainsi qu'en témoigne, une fois encore, le spectacle monté au mois de mars au Théâtre de France : la Tentation de saint Antoine. Depuis très longtemps, Béjart dirige son activité vers le théâtre total, et, de ce fait, il est entraîné à traiter la chorégraphie en parent pauvre.

Son Roméo et Juliette a été servi cependant par les costumes de Germinal Cassado et un corps de ballet toujours en progression, qui réunit des danseurs de classe : Marie-Claire Carrié, Laura Proença, Itona Asakawa, Paolo Bortoluzzi et le regretté Patrik Belda, qui a trouvé la mort dans un accident de voiture quelques jours après la fin de la saison parisienne.

Le Ballet de France

Ce n'est pas davantage à Cachan et dans la banlieue parisienne qu'il a été donné d'assister à des spectacles plus convaincants.

Si attachante que soit Janine Charrat, qui dirige le Ballet de France, elle n'a pas réussi à créer, avec son ballet Rencontre, une œuvre d'avant-garde. Seule en scène, dans un intéressant décor de matière plastique de Bernard Daydé, elle recherche l'Homme. L'argument est de Pierre Rhallys.

Les chansons qu'elle mime par des danses expressionnistes sont de Pierre Barouh. Mais tous les efforts demeurent peu convaincants pour donner à une suite de danse de soliste une valeur chorégraphique.

Magicien du mouvement

Au même programme, une création, un pas de deux Cycle a permis de retrouver une Charrat chorégraphe. Nuls effets techniques, mais une sobriété, une pureté de style néo-classique, des lignes ininterrompues, harmonieuses, prenantes, nous font partager le drame de deux êtres d'abord unis, puis séparés, mais de nouveau près l'un de l'autre. L'interprétation pathétique de Charrat a fait revivre les grands moments de sa carrière. Son partenaire, Milorad Miskovitch, demeure un fort beau danseur.

C'est un folklore importé d'URSS qui est venu nous apporter une note d'optimisme avec le Ballet Moisseiev, qui occupe la place d'honneur parmi les troupes folkloriques internationales. Les qualités exceptionnelles de cet ensemble officiel de danses populaires de l'URSS se trouvent liées à celles de son directeur artistique, le grand chorégraphe Igor Moisseiev.

Outre les ballets devenus classiques, notamment les Partisans, l'intérêt du programme de la saison résidait dans la présentation du ballet le Chemin de la danse. En partant d'éléments de la grammaire du ballet classique, Moisseiev a pu atteindre les combinaisons les plus complexes où réapparaissent les éléments du folklore, véritable synthèse du ballet académique et des rythmes ancestraux des diverses peuplades de notre planète.