Chose curieuse, le réalisateur Denys de La Patellière, l'un des habitués des grands succès du box-office, n'a pas eu plus de chance cette année avec un autre de ses films, Soleil noir, qui, malgré sa vedette, Michèle Mercier, l'héroïne des Angélique, n'a pas tenu l'affiche.

Raoul Lévy, avant sa fin tragique, a tourné un film, l'Espion, qui ressemble beaucoup au Rideau déchiré, d'Alfred Hitchcock, et sort même grandi de la confrontation. On pouvait espérer beaucoup de ce producteur qui semblait avoir trouvé sa voie dans la mise en scène.

Jean-Paul Belmondo (Tendre Voyou), Robert Hirsch (Martin soldat), Jean Marais (Le Saint prend l'affût), Mireille Darc (la Grande Sauterelle), Charles Aznavour (Le facteur s'en va-t-en guerre) ont pu, par leur seule présence au générique, assurer un succès mitigé à des productions qui sont loin d'être les meilleures de leurs auteurs et qui pèchent toutes par des facilités et des vulgarités.

L'ex-« nouvelle vague »

Que deviennent les auteurs de l'ex-nouvelle vague ? Jean-Luc Godard tourne, bien sûr. Il tourne peut-être un peu trop vite n'importe quoi. Le style demeure, la désinvolture, le charme séduisent toujours, mais la cuvée 1966 n'est pas la meilleure. Coup sur coup, Made in USA et Deux ou trois choses que je sais d'elle ont été proposés à la sagacité des spectateurs.

Les inconditionnels ont applaudi, les irréductibles se sont une fois de plus esclaffés. Ce sont là des attitudes dangereuses : vouer un culte à Godard paraît tout aussi ridicule que de ne lui accorder aucun crédit. Son influence reste très importante sur la jeune génération. Il est simplement permis de préférer Pierrot le fou à Deux ou trois choses... La Chinoise, son prochain long métrage, réconciliera-t-il les spectateurs ? Il est permis d'en douter.

Claude Chabrol, dans le Scandale, est revenu à son inspiration des Bonnes Femmes. Eric Rohmer a beaucoup surpris dans la Collectionneuse : on peut considérer ce film élégant et précieux comme un essai littéraire sur le cynisme et le marivaudage d'une certaine jeunesse contemporaine.

Trois nouveaux venus

Un ancien photographe, William Klein, auteur de plusieurs courts métrages (dont Cassius le Grand, couronné au Festival de Tours), a réalisé Qui êtes-vous Polly Magoo, sur le monde fou fou fou fou de la mode. Édouard Luntz, de son côté, a réussi à renouveler le thème des blousons-noirs dans un film (les Cœurs verts) qui ne doit rien aux Tricheurs et autres Terrain vague de Marcel Carné. Enfin, José Varela, dans Mamaia, a lancé Jean-Pierre Kalfon et Adriana Bogdan.

Alain Robbe-Grillet dans Trans-Europ-Express et Marguerite Duras dans la Musica ont tenté de concilier le cinéma et la littérature. On peut penser que Marguerite Duras (avec l'aide de Paul Seban) a signé un film très personnel où Robert Hossein fait une grande création. Quant à Alain Jessua, il a décrit avec talent le monde des bandes dessinées dans Jeu de massacre, où l'on remarquait un nouvel acteur très prometteur : Michel Duchaussoy.

États-Unis

Le cinéma américain se meurt, le cinéma américain est mort. Cette phrase, grommelée par des esprits grincheux, est un jugement qui mérite appel.

Sans doute les États-Unis (dont la production était de 180 films en 1966) sont-ils volontairement absents des principaux festivals de cinéma où, depuis quelques années, les jurys avaient systématiquement tendance à bouder tout ce qui venait d'Hollywood.

Les superproductions

Pourtant, le Docteur Jivago, de David Lean, à défaut de respecter intégralement l'œuvre de Pasternak, respecte au moins les servitudes — et les grandeurs — de la superproduction : une nouvelle star, Julie Christie ; une débutante à qui il manque seulement de se faire un prénom, Géraldine Chaplin ; de beaux paysages, une photographie souvent remarquable. Il ne s'agit sans doute pas d'un chef-d'œuvre, mais, dans la ligne de Lawrence d'Arabie ou du Pont de la rivière Kwai (du même David Lean), c'est un spectacle de prestige qui ne manque ni de charme ni de vigueur.

Les grands metteurs en scène américains ont légèrement déçu : on attendait mieux de William Wyler (Comment voler un million de dollars ?) après son remarquable Obsédé. Le charme d'Audrey Hepburn et de Peter O'Toole ne peut entièrement masquer le manque de punch de la réalisation.