Après une période d'hésitation, les attaques reprennent contre le Marché commun et, dans les premiers mois de 1967, contre la création éventuelle d'une force atomique européenne, d'où la RFA ne pourrait être totalement exclue.

Dans la mesure où le général de Gaulle n'apparaît pas comme le représentant de ce bloc en formation, ses initiatives sont bien accueillies.

C'est une des leçons de son historique voyage de 1966 en URSS et des visites de Kossyguine à Paris en décembre et juin. Moscou apprécie la condamnation de l'intervention américaine au Viêt-nam et se montre prêt à coopérer sur le plan économique.

Quand il s'agit de l'Allemagne, Français et Soviétiques se contentent « d'exposer leurs points de vue ». Ce n est pas seulement parce qu'ils sont inconciliables. C'est aussi parce que, dans une grande mesure, le général de Gaulle exprime le point de vue de l'Europe de l'Ouest dans son ensemble.

Dans le tiers monde

Les hommes prudents que sont Kossyguine et ses collègues semblent avoir définitivement rompu avec la politique des coûteuses et dangereuses promesses, qui avait été celle de Khrouchtchev, à Cuba et en Égypte par exemple. Le Kremlin se contente de faire fructifier le capital de confiance gagné à Tachkent, où il avait conduit à la table de conférence l'Inde et le Pakistan. L'influence grandissante de la Chine à Rawalpindi s'était trouvée neutralisée.

Les Pakistanais s'inquiètent de la fréquence des séjours d'Indira Gandhi à Moscou, mais cela reste insuffisant pour provoquer un nouveau virage vers Pékin.

Les positions soviétiques sont demeurées stables en Asie du Sud-Est, en Afrique et en Amérique latine. Elles se renforçaient au Moyen-Orient quand éclate la crise. À la fin juin, Podgorny parvient à faire oublier à Nasser la non-intervention soviétique durant le conflit (ce que les Égyptiens nommèrent le « lâchage »). Du matériel neuf arrive en masse. Au Caire, à Damas, à Bagdad, Podgorny apaise les rancœurs.

Cependant, si Moscou s'est, semble-t-il, refusé à élargir le conflit, les positions officielles condamnent sévèrement Israël. Kossyguine ne ménage pas les Américains lors de l'Assemblée générale, mais il accepte de rencontrer, par deux fois, le président Johnson à Glassboro. Leurs analyses restent inconciliables, mais du moins les ont-ils échangées de vive voix.

Conflit Moscou-Pékin

Dans le conflit avec Pékin, le Kremlin reste sur la défensive. Chaque fois que Mao coupe un de ses liens avec l'URSS, celle-ci se contente de rendre coup pour coup, sans vraiment pouvoir reprendre l'initiative. Le 45e anniversaire de la fondation du PC chinois, le 1er juillet, est l'occasion pour les Soviétiques d'opposer l'orthodoxie marxiste des fondateurs au déviationnisme des successeurs. La « soi-disant grande révolution culturelle » est solennellement condamnée au nom de Marx et de Lénine, le 27 novembre. En décembre, une session plénière du Comité central est consacrée au problème chinois. Brejnev et le politburo estiment qu'il est urgent de convoquer la conférence internationale d'excommunication. Mais sa réunion ne dépend pas du seul parti soviétique... Tous les dirigeants de premier plan entreprennent à travers le pays une grande tournée d'information pour mettre au courant les membres du parti et, indirectement, la population de la gravité de la situation.

À la frontière

La question de la « fidélité au marxisme-léninisme » est bien dépassée. Peu après les premières manifestations de la « rue de l'Antirévisionnisme » (nouveau nom de la rue où se trouve l'ambassade de l'URSS à Pékin), des coups de feu sont échangés sur le fleuve Amour. Les étudiants chinois reçoivent l'ordre de quitter l'URSS : c'est la réponse à une décision analogue de Pékin. Mais Moscou ne peut pas décemment répondre par des revendications territoriales à la déclaration du maréchal Chen Yi du 7 novembre : « La Chine est résolue à récupérer son territoire perdu. »

Les meetings de protestation contre le traitement infligé aux diplomates soviétiques et à leurs familles se multiplient. Il devient d'ailleurs difficile de faire parvenir les protestations à Pékin. Les diplomates chinois refusent de venir au ministère des Affaires étrangères, ou, s'ils y consentent, arrivent en retard en invoquant les prétextes les plus inattendus : « un déjeuner, une promenade, une sieste »...