La vie religieuse

Catholiques

Le Vatican concerné par les enquêtes sur le complot Agca et le Banco Ambrosiano

Le pape Jean-Paul II ne ralentit guère ses activités durant le second semestre de 1982. Entre de multiples réunions, réceptions de visiteurs et prises de position, il effectue, notamment, du 31 octobre au 9 novembre, un important voyage en Espagne, et un autre en Sicile, au cours duquel il s'en prend à la mafia. Mais, de curieuse manière, la vie du Vatican est surtout marquée en cette période par deux événements que l'on pourrait appeler des faits divers : l'affaire du Banco Ambrosiano, et les développements de l'enquête sur l'attentat du 13 mai 1981 contre Jean-Paul II (Journal de l'année 1980-81).

L'affaire du Banco Ambrosiano prend les dimensions d'un scandale de première grandeur quand on découvre, le 18 juin 1982, pendu sous un pont de Londres, le corps du patron de cette banque italienne, la première banque privée du pays. Un personnage, ce Roberto Calvi : un modeste comptable devenu l'un des plus puissants financiers italiens, bien installé au cœur de l'IOR (Institut pour les œuvres de religion), la grande banque catholique, et qui répartissait ses mises politiques — ses dons et ses prêts — avec un bel éclectisme, de la droite à l'extrême gauche. L'empire de Calvi était constitué d'une quarantaine de banques, en Italie et à l'étranger (surtout en Amérique latine).

Pendu

Après l'affaire de la loge P2 (Journal de l'année 1980-81), la Banque d'Italie a commencé à examiner les comptes de Calvi. Elle y a découvert un certain nombre d'opérations irrégulières ou franchement délictueuses. Finalement, le 11 juin 1982, Calvi quitte précipitamment le pays sous un déguisement et un faux nom. Le 16, sa secrétaire particulière, une vieille demoiselle qui avait consacré sa vie au Banco Ambrosiano, se jette d'une fenêtre. Le 18, c'est Calvi que l'on retrouve pendu à Londres, et, très vite, les policiers anglais se demandent si le banquier s'est pendu lui-même.

Or, sa banque était étroitement associée avec le principal établissement financier du Vatican, l'IOR. L'IOR et le Banco Ambrosiano contrôlent ensemble la Banca cattolica di Veneto ; le responsable de l'IOR, Mgr Paul Marcinkus, siège au conseil d'administration d'une filiale de l'empire Calvi, le Banco Ambrosiano Overseas limited, installée à Nassau (Bahamas), paradis fiscal bien connu ; et, surtout, l'IOR a donné sa garantie à Calvi pour lui permettre de réaliser certaines opérations qui se sont révélées délictueuses.

Aussitôt ces faits connus, la presse italienne se déchaîne. Il faut dire que Mgr Paul Marcinkus, prélat américain d'origine lituanienne, a déjà défrayé la chronique. Ce colosse de 1,89 m, qui a servi de garde du corps successivement à Paul VI et Jean-Paul II, n'a pas le comportement habituel aux monsignori de la Curie ; il voyage en avion privé et on le voit souvent à Rome sur les terrains de golf les plus huppés. Depuis 1971, on lui a confié l'IOR, qui joue à la fois le rôle d'une banque de dépôts (n'acceptant pour clients que les communautés religieuses et des particuliers privilégiés) et d'une banque d'affaires qui gère les placements du Vatican.

Mgr Marcinkus

Quand l'affaire Calvi éclate, Mgr Marcinkus refuse de répondre à la commission d'enquête nommée par la Banque d'Italie, mais fait état d'une lettre du banquier dégageant l'IOR de toute responsabilité dans les dettes de l'Ambrosiano. À la fin de juin 1982, il se retire du conseil d'administration de la banque des Bahamas. Mgr Agostino Casaroli, secrétaire d'État, annonce, le 13 juillet, qu'une commission de trois banquiers internationaux va examiner les comptes de l'IOR. Ceux-ci produiront à la fin de l'été un rapport qui ne sera pas publié.

Mais Mgr Casaroli fait, le 26 novembre, une communication aux cardinaux du monde réunis à Rome pour étudier les problèmes financiers du Vatican. Il indique que « le nom de l'IOR a été utilisé pour des projets occultes [...] À la suite d'opérations bancaires en elles-mêmes normales, l'Institut s'est trouvé en situation de contrôler deux sociétés et, sans qu'il en ait connaissance, indirectement huit autres, liées aux premières ».