Si, pour Balmain, Oscar de la Renta choisit de remettre au goût du jour le style Maya tape à l'œil, le nouveau venu Jean-Charles de Castelbajac retrouve l'esprit fantaisie très « Alice au pays des merveilles » de son prêt-à-porter. Ses robes originales, à la taille marquée et au trait précis – ce qui n'empêche pas la loufoquerie – vont chercher leur inspiration du côté de Jimi Hendrix, de Van Gogh, de Bambi, des guérilleros et des « fées vêtues de robes d'écorce ». Autre ambiance chez Christian Dior, où John Galliano, toujours fâché avec la mode pure, délivre son chaos désormais habituel, sur fond de sado-masochisme, de claquements de fouets et autres marmonnements pseudo-orgasmiques. On remarque néanmoins quelques robes fluides, une amusante bonne sœur nymphomane et des patchworks Belle Époque. Tandis que, pour Chanel, Karl Lagerfeld assure la continuité de l'esprit maison en le remixant à sa façon de tulle et de dentelles, chez Louis Feraud, Yvan Mispelaere orne ses robes-lingerie de broderies Art déco dans une palette à dominante noir et blanc, tandis que l'Italien Maurizio Galante, autre néophyte, pris de folie, met ses mailles en lambeaux, taillade ses jupes en ellipses, donne à ses manteaux amidonnés des formes étranges et transforme ses robes de Celluloïd en armures. Jean-Paul Gaultier dédie sa collection, à la fois simple et subtile, à la ville de Paris : vêtements ultrafuselés, streetwear de luxe et clins d'œil rétro au Paris de l'entre-deux-guerres avec une technique revisitée qui appelle une manière de se mouvoir très contemporaine. Chez Givenchy, Alexander McQueen organise avec humour une fête post-décadente où virevoltent l'écaillé et la plume. Manches évasées, découpes vertigineuses, manteaux en crocodile sur un Bikini assorti, combinaison-pantalon totalement transparente brodée de cristal : les vêtements d'Alexander McQueen sont faits pour la fête. La femme Givenchy ne sort que le soir ! La collection de Pascal Humbert offre la bouffée de fraîcheur de la saison, en opposant subtilement le fluide et le structuré. Le couturier présente également son concept de couture évolutive, chaque pièce étant déclinée dans sa version prêt-à-porter. Christian Lacroix revient à ses débuts spectaculaires, célébrant ses « jolies nuitardes » à coups de déconstructions, de patchworks, de trompe-l'œil, de jupons gonflants et froufrous flamenco qui mettent en valeur le classicisme du noir. Olivier Lapidus s'assagit sans renoncer aux fibres optiques, dont il tire séduction et sensualité, afin de moderniser les matières. Stéphane Rolland pour Schener opte pour un parisianisme de bon ton : luxe et glamour des années 40 où le noir et l'or dominent. L'Orient inspire la collection d'Hanaé Mori et l'Ouest américain, celle de Fred Sathal, qui modernise ses jeans en bleu, beige ou rouge avec broderies de pierres, de laine et dentelles. Nouvelles stars de la couture, Seredin et Vasiliev, duo qui préfère tout faire à deux, depuis la broderie des chaussures et le moulage de chapeaux sur la tête des mannequins jusqu'au maquillage et photos de dossier de presse, déclinent avec humour leurs références au monde slave. Dominique Sirop, sortie du giron d'Yves Saint Laurent, privilégie le glamour, avec une collection riche en fourrure, en robes du soir aux ourlets frôlant le sol ou éclatants de couleurs. Franck Sorbier revisite l'univers du Petit Chaperon Rouge avec des corsets aux broderies élaborées dessinant bien la taille surmontant de longues jupes en soie traitée en rubans froissés.

Silhouettes carrées avec blousons courts et jupes trapèze dansantes, boléros près du corps, gilets en velours sur pantalons taille haute en flanelle, volupté des robes noires : les mannequins d'Yves Saint Laurent semblent participer à un cérémonial sacré à l'austérité sensuelle qui a toujours le don d'enchanter le public. Emanuel Ungaro livre une avalanche de peaux de bêtes, froufrous, sequins et broderies fleuries, dos-nus, mousselines et pantalons de soie flottants. Le couturier n'a jamais habillé les femmes timides ! Valentino rend un éternel hommage à Hollywood avec une collection de tailleurs impeccablement coupés et de robes droit sorties de Beverly Hills qui respirent la sophistication. Grand spectacle aussi chez Gianni Versace, où Donatella présente une collection – drapés de mousseline, fourrures en zibeline et blousons en croco – adaptées aux premières de cinéma ou aux cérémonies de remise des oscars.

Le prêt-à-porter de l'été 2001 : rebelle ou ultraféminin

Rebelles ou néo-punks dans des vêtements explosés ou ultraféminines dans des robes et des tailleurs chic, les collections printemps-été 2001, présentées à la mi-octobre à Paris, témoignent d'une énergie créatrice certaine où dominent le noir et blanc. Au premier rang des rebelles, Jean-Paul Gaultier et John Galliano. Le premier est destroy, vintage, avec ses pantalons de cuir récupérés des puces ou de dentelle à une seule jambe portés sous une jupe, ses demi-jupes, demi-blousons, demi-manteaux, découpés en morceaux, déchirés, troués et qui flottent sur les corps bottés des mannequins. Le second, qui a décidé de faire la différence entre show-art-création et boutiques-vêtements-vente, fait alterner des créations encore plus déjantées, inspirées de Picasso et de Jésus. À l'opposé, l'Américain Tom Ford pour Yves Saint Laurent présente une première collection, tout en noir et blanc, respectueuse de l'héritage de la célèbre maison française, avec ses tailleurs pantalons féminins-masculins, et qui ne provoque pas de remous – comme si le temps était suspendu jusqu'au prochain défilé. Paco Rabanne voit plutôt la vie en noir et blanc, et Chanel la préfère en blanc. Noir et blanc aussi pour les duettistes néerlandais Viktor et Rolf qui rendent hommage aux comédies musicales hollywoodiennes. Chez Givenchy, la gaieté prime aussi : Alexander McQueen propose des jupes volantées assorties de chemises Vichy, des robes près du corps qui mettent en valeur les poitrines les plus menues, des pantalons à plis larges et les ceintures-corsets qui affinent la taille. Pour les amoureux de la couleur, on se reportera encore à Emanuel Ungaro, Sonia Rykiel ou Angelo Tarlazzi. Les années 80 inspirent Christian Lacroix et Christina Ortiz pour Lanvin, mais chacun à sa manière : le premier, toujours ennemi de l'austérité, ressuscite une femme néo-punk la seconde évolue dans un monde d'androgynes directement empruntés à David Bowie. Chez Hermès, temple du chic par excellence, on fuit l'excentricité. La prestigieuse maison de la rue du Faubourg-Saint-Honoré a confié depuis mars 1998 son prêt-à-porter au créateur belge Martin Margiela, qui conçoit une mode intemporelle, articulée autour du blanc : larges pantalons fluides, twin-sets, robes trois trous ou croisées fermées par une patte. Si ses confrères colorient l'été, Yamamoto l'assombrit : ses noirs et ses « charbon » font souffler un vent d'hiver sur la mode estivale. Tout le contraire de la joie de vivre qu'inspirent les silhouettes ultraféminines du Flamand Dries Van Noten, qui recherche dans sa mode une élégance très années 20. Rétro aussi chez Isabel Marant, qui vise une mode urbaine puisée dans le Londres de Bowie et autre Iggy Pop. Les années 80 sont convoquées par Karl Lagerfeld dans une collection que n'aurait pas reniée Louise Ciccone, alias Madonna. Le Français Éric Bergère, lui, aime les motardes, généralement de noir vêtues, qu'il transporte parfois dans le désert où elles adoptent l'allure et le pantalon bouffant des Touareg. Thierry Mugler enverrait bien toutes les femmes à la plage, en robes balnéaires blanches, en péplum ou en robes-toges. Enfin chez Alexandre-Matthieu, duo de créateurs français – Alexandre Morgado et Matthieu Bureau –, lesquels se sont fait connaître lors du dernier Festival de Cannes grâce à la chanteuse Björk qui portait une de leurs créations, on ne cache pas sa passion pour les étoiles, véritable leitmotiv de la collection. L'été sera étoilé.

La mode italienne de l'été 2001

Les défilés de prêt-à-porter féminin pour le printemps-été 2001, présentés à Milan, consacrent une femme sexy sur un mode tantôt glacé, tantôt luxueusement débridé. Côté luxe, Versace propose de longues robes de soie fendues sur la cuisse, dégagées dans le dos. Les habits de Donatella Versace, qui a repris le flambeau de la maison depuis la mort du styliste en 1997, font la part belle aux drapés fluides, aux silhouettes floues. Gianfranco Ferré s'inspire de l'Afrique avec des boubous drapés, des robes végétales couleur paille, des imprimés noir et blanc. Chez Fendi, on fait plus dans l'archéologie que l'ethnologie et l'on va chercher du côté du Forum romain de quoi remettre au goût du jour la panoplie des gladiateurs, dans une profusion de plis et de sacs de toutes formes généralement cloutés, portés comme des boucliers. Dolce et Gabbana raffolent du métal et de la pierre, qui recouvrent la plupart de leurs vêtements. Tom Ford, chez Gucci, privilégie le techno-militaire, avec des jupes aux couleurs satinées et des bustiers à armatures. Plus chaleureux, Moschino propose une mode centrée sur l'Espagne, avec des pantalons corsaires bordés de dentelle, des hauts rouges, des mantilles et robes à falbala rouge et noir. De son côté, Giorgio Armani cultive un style fluide, frais et discret, avec une ligne plutôt garçonne composée de pantalons à bretelles de tissu, de maillots rayés et de foulards de soie noire.

Madeleine Quê
Critique de mode