La mode 2000-2001 : les tendances parisiennes

Laissée pour morte par les Cassandre de la mode, la haute couture retrouve des couleurs. Après les années 80, celles de l'excès en tout genre et du zapping, après les années 90, celles du minimalisme et de l'abstinence, les années 2000 semblent favoriser le retour des utopies et du rêve, au nom de l'imaginaire retrouvé des créateurs, en particulier dans les laboratoires du prêt-à-porter : corps mutants, fantômes rétro, expérimentations festives et excentricités sorties du purgatoire de la crise par de véritables « casseurs » de la mode pour célébrer la fin des conformismes.

Secoué à tous les vents, ceux de la forme et de la couleur, par la fantaisie de ses agitateurs, abandonné aux djinns de la destruction, du renouveau et de l'apocalypse joyeuse, le monde de la couture poursuit éperdument la réalisation de son ambition ultime : redéfinir toujours les règles de l'élégance et révéler les secrets des corps. L'avantage d'un tel feu d'artifice, c'est qu'il laisse place à tous les points de vue, à toutes les formules, celles que prônent les tenants du stylistiquement incorrect – les classiques de demain –, qui font de chaque défilé d'ébouriffants carnavals, et celles que présentent les poètes et les tenants de la féminité, qui dédient leur collection à la femme coquette, « féline, câline et caressante ».

La haute couture de l'été 2000 : épure et expérimentations

Torrente inaugure tout en douceur les défilés parisiens, présentés du 15 au 19 janvier dans la capitale, avec un glamour et un romantique qui visent les jeunes filles, ou ce qu'il en reste, dans sa clientèle. Couleurs tendres, harmonies douces et végétales et mousselines légères : l'idéal pour s'offrir un petit coup de jeunesse. La transition est brutale chez Dior, où l'extravagant John Galliano, qui persiste dans son œuvre de déconstruction du vêtement, transporte ses invités à la cour des miracles : clochardes échevelées en guenilles à plus de 100 000 F, portants jupes lacérées, pulls rapiécés et godillots soigneusement usés et ceinturés de bouts de ficelle. « Ce n'est pas de la haute couture », admet-on chez Dior, qui, apparemment, prend le parti de l'image pour vendre accessoires et parfums. Pari : dans le petit monde de la mode, il n'est question que de sa collection. Olivier Lapidus, couturier-inventeur, conçoit les premiers vêtements « communicants », en collaboration avec Sony et Nokia, qui intègrent nouvelles technologies, son, image et Internet : robes « vidéo » aux broderies dessinant des images, tailleurs « téléphones » équipés d'un clavier et jupes musicales jouant du Chopin. C'est le xxie siècle que met en scène Christian Lacroix dans une collection aux harmonies kaléidoscopiques et aux lignes brisées. Formes soulignées, silhouettes multiformes, broderies multicolores renforcent l'art des couleurs, le goût des mélanges et le nouvel expressionnisme d'un couturier qui présente ses modèles comme autant de tableaux de maître.

Chez Chanel, Karl Lagerfeld renoue avec l'éternel féminin qui a fait les beaux jours des années 50 : taille étranglée et jupe dansante, voilettes brodées de perles et escarpins à brides, jupons amples et jupes évasées composent une mode douce et romantique. Tailleurs-saris, tuniques longues, turbans et tapis volants de mousseline : Jean-Paul Gaultier a pris la route des Indes, libérant des silhouettes tracées au pinceau et dessinant des modèles au trait épuré qui renouvellent l'élégance urbaine rapportée d'escales imaginaires à Bombay, Pondichéry, Darjeeling ou Bangalore. Yves Saint Laurent, qui se consacre désormais exclusivement à la haute couture depuis le rachat de sa maison par Gucci, impose sa vérité des corps, exaltant le mouvement dans des tailleurs-jupes ou -pantalons irréprochables, une saharienne chaleureuse ou des robes de gitane sensuelles – corsage noués sous les seins, ventre nu, jupon frangé et fleurs multicolores.

Le prêt-à-porter hiver 2000-2001 : coquetterie et fluidité

Les défilés parisiens ont mobilisé plus de 120 créateurs internationaux du 26 février au 4 mars. Côté tendance, selon les bureaux de style, « les femmes ont envie de se montrer, d'être optimistes, ce qui se traduit par un retour de l'ornementation, des teintes chaudes, et la poursuite de la vogue disco mais en plus chic ». Les collections renouent avec une certaine idée du chic : omniprésence du cuir, en manteaux, blousons, jupes et pantalons, retour de la fourrure. Si un arrière-goût des années 80 affecte nombre de collections, la nouveauté réside plutôt dans les couleurs : les harmonies sourdes de l'hiver alternent avec des tons flashy, fuchsia, turquoise, vert acide.