Gilles Rosier a présenté sa première collection de prêt-à-porter féminin sous la griffe Kenzo, auquel il succède, en douceur, après avoir travaillé deux ans auprès du couturier japonais. Se disant moins porté sur l'ethnique que le fondateur de la griffe, le nouveau créateur conserve l'esprit maison dans le mélange des tissus masculins-féminins, des couleurs et des imprimés, dans la symbiose entre le vêtement occidental et oriental. Cette première collection se présente sous la forme d'un carnet de voyage, mélangeant sources d'inspiration et cultures : les couleurs sourdes, le gris, le kaki et le noir, se mêlent en patchwork au parme, au rouge laqué pour composer une mode qui vise dynamisme et poésie. Après l'abandon de la haute couture, Paco Rabanne a décidé de reprendre les rênes de son prêt-à-porter, confié depuis quelques saisons à deux jeunes stylistes. Il reprend ses pinces et ses cisailles pour souligner de métal les coutures de ses jupettes, accrocher des pastilles de Rhodoïd sur le plastique et assembler ses fameuses petites robes en cotte de mailles scintillante. Une collection « glamour rock » qui est une réussite.

Inspiré par Paris, Christian Tournafol dédie ses vingt modèles aux vingt arrondissements de la capitale. D'où un exercice de style sur sa spécialité, la robe-pull (haut tricot et jupe de tissu) qu'il taille en laine et tweed mais aussi en dentelle de mohair sur satin crissant. La collection de John Ribbe en est un autre : elle consiste dans une mode de transformations, pleine d'astuces et de sensualité. Ainsi, son trench coupé en trois parties (capuche, veste et jupe longue) se porte soit côté gabardine beige, soit côté jersey aux couleurs de goudron ; et ses robes se modulent à volonté : de mini, elles deviennent longues grâce à un simple jeu de pression. Chez Balmain, Gilles Dufour, le créateur maison a choisi l'orange, le jaune soleil, le vert acidulé, le rose... L'hiver sera vitaminé couleurs choisies puisque ces harmonies se combinent sur une même silhouette, depuis la petite veste de vison en passant par la jupe de velours dévoré et le mini-short de tricot. Pour Marc Le Bihan, la mode est intello-conceptuelle avec des pièces uniques tout en jeu de volumes et, pour Christian Le Drezen, elle offre des réminiscences celtes, aux harmonies sourdes et vives pour des paletots de tricot portés sur des longues robes laissant les épaules nues, des tabliers de mousseline fleurie sur des pantalons de cachemire et des pulls mousseux sur grands jupons de tulle brodé. Stella Cadente ressuscite l'esprit disco des années 80 avec ses jupettes et ses robes de Lurex. La Japonaise Jonko Koshino préfère le cubisme et la géométrie avec des pulls-tuniques recouvrant des jupes-tubes de cachemire et des robes du soir en polyuréthane froissé. Les femmes habillées par Albert Elbaz pour la collection Yves Saint Laurent, où plane une sorte de nostalgie exprimée par le noir omniprésent, évoquaient les héroïnes de Hitchcock : la blouse de cuir fin remplace la mousseline sous les tailleurs masculins en lainage rayé, les robes, droites en daim ou amples en mousseline, sont ceinturées d'un mince lien de python. Un coup de tonnerre suit de peu la présentation de la collection. L'Américain Tom Ford, designer de Gucci, va remplacer Albert Elbaz comme créateur du prêt-à-porter féminin d'Yves Saint-Laurent. Le passage d'Albert Elbaz chez Saint Laurent aura été de courte durée. C'est au printemps 1999 qu'il avait signé sa première collection. Gucci est devenu à la mi-novembre 99 propriétaire d'Yves Saint Laurent en rachetant Sanofi Beauté, qui contrôle YSL. La haute couture Saint Laurent reste en revanche aux mains de François Pinault et sous la houlette de Pierre Bergé.

Alors que John Galliano, pour Dior, continue ses extravagances – des gamines déguisées avec les vêtements de leur mère – et persiste dans le trash et le clinquant, d'autres couturiers trouvent l'inspiration dans le passé : les « seventies » pour Givenchy, interprétées dans un style quelque peu militaire ; les « sixties » chez le Britannique Alexander McQueen, qui prône le grand retour du mini avec la jupette en cuir et la mini-robe en mousseline ou en dentelle-mohair ; ou les « forties » chez Chloé, chantre de la « rock-mode attitude » conçue par Stella McCartney dans un défilé moins provocant que les années précédentes. À l'explosion de couleurs d'Emanuel Ungaro et, comme d'habitude – oserait-on – de Christian Lacroix, Jean-Paul Gaultier répond par une collection assez « sage », confortable, portée par des belles à l'allure inimitable. Confortable et chaude également la mode de la jeune Espagnole Christina Ortiz, qui a redonné une vraie identité à Lanvin, la plus ancienne maison de couture parisienne, grâce à des robes courtes et droites, des étoffes légères et une palette de couleurs douces : camel, chocolat, kiwi, rose tendre ou banane.

La haute couture de l'automne-hiver 2000-2001 : intimisme et scintillement

Présentées du 8 au 12 juillet, les collections parisiennes comptent 21 défilés « officiels » et autant de « off » dans des lieux prestigieux – École nationale supérieure des beaux-arts pour Dior ou Lacroix ou musée des Arts décoratifs pour Valentino, Balmain et Galante, grande arche de la Défense pour Givenchy, Palais de Chaillot pour Fred Sathal. Les couturiers ont rendu hommage au Paris de Brassaï et de Man Ray, à celui de Kiki et de Piaf : la haute couture est bien un art ! Le défilé d'Adeline André laisse une impression d'extrême légèreté dans ses superpositions style feuillage de mousselines flottantes et sa palette de couleurs rares – pruneau, orange citrouille, beige chair, vert petits pois, violet, bleu turquoise ou champignon – qui soulignent des robes toutes simples dans des soies aux pois différents.