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Lafontaine : la démission du dépit

La social-démocratie allemande, depuis le départ de ses deux figures emblématiques des années 1960 et 1970, Willy Brandt et Helmut Schmidt, est une grande dévoreuse de leaders. Six mois après la victoire de septembre 1998, le parti au pouvoir s'offre une dramatique, le départ du ministre des Finances et du Budget, Oskar Lafontaine.

Profondément attaché à sa région d'origine, la Sarre, Lafontaine a fait une ascension rapide dans le parti de Willy Brandt. Né en 1943, Oskar Lafontaine n'entre en social-démocratie qu'à l'âge de vingt-trois ans, en 1966. Il remporte après dix ans d'activité la mairie de Sarrebruck, puis, en 1985, l'élection à la tête du Land de Sarre. De petite taille, préférant les vins rouges de France aux bières de son pays, volant de victoire en victoire, sortant son Land de sa marginalité géographique – au sud-ouest de l'Allemagne –, Lafontaine devient le « Napoléon sarrois ». Fort de son pouvoir local, Lafontaine, figure de premier plan, éprouve quelque difficulté à s'imposer à Bonn. D'autant que sa lucidité devant les difficultés prévisibles d'une unification menée à la hussarde par Helmut Kohl ne l'aide pas à se faire le héraut d'une nouvelle Allemagne, lorsqu'il mène, en décembre 1990, le parti lors des premières élections pan-allemandes. Malgré le capital de sympathie dont il dispose à la suite de l'attentat dont il est victime, l'échec est retentissant. Lafontaine abandonne ses fonctions à la tête du parti et à celle de la représentation parlementaire. Cette mesure ne suffit pas à jouer un rôle d'électrochoc : les personnalités capables de diriger le parti sont nombreuses – Rudolph Scharping, Gerhard Schröder et Oskar Lafontaine –, mais aucune ne s'impose. Pour mener le parti lors de la campagne électorale en 1994, les problèmes de personne passent avant le programme et les alliances. Une nouvelle fois, la défaite est au rendez-vous. La troïka mise au point par Scharping, le candidat du parti, éclate dès l'année suivante. À l'occasion du congrès du parti de Mannheim, en 1995, Lafontaine dénonce les faiblesses du leader et expose sa stratégie de reprise du pouvoir. L'électrochoc est cette fois efficace, Scharping est évincé. Lafontaine, tenant de l'aile gauche du parti, propose l'alliance avec les Verts. En mars 1998, la victoire de Schröder aux élections législatives en Basse-Saxe est décisive. À l'alliance avec la gauche qu'il peut promouvoir, la montée en puissance de Schröder est pour Lafontaine une aubaine : la possibilité d'élargir la coalition vers le centre. Il propose Schröder comme candidat du parti aux élections de septembre. Le duo est convaincant, la social-démocratie peut s'adresser à un électorat beaucoup plus large. La victoire de septembre est partagée avec le Vert Joshka Fischer. Une nouvelle troïka accède au pouvoir fin octobre. Lafontaine a obtenu un ministère clé, celui des Finances : il va pouvoir appliquer le programme qu'il a en partie rédigé et s'attaquer aux grands déséquilibres laissés par la gestion de Kohl. En mars, alors que les échecs électoraux se multiplient, le cœur à gauche d'Oskar Lafontaine flanche.

Le numéro 2 du gouvernement choisit de démissionner. En septembre, dans un ouvrage intitulé Das Herz schlägt links (Le cœur bat à gauche), il règle ses comptes. Toutefois, sa décision est mal accueillie par l'opinion. Le dernier électrochoc n'a pas fonctionné : le retour de la social-démocratie à ses valeurs traditionnelles, que Lafontaine attend de ses vœux, ne risque pas de se produire avant 2002, lors des prochaines élections, à moins que l'alliance rouges-Verts ne se défasse d'ici-là.

S. C.

Le cœur bat à gauche

Dans son livre Le cœur bat à gauche, Oskar Lafontaine dresse un catalogue peu amène de l'action gouvernementale : incompétence du chancelier – en particulier dans la gestion du couple franco-allemand –, abandon des valeurs sociales-démocrates, promesses non tenues. Les événements qui ont marqué le reste de l'année (intervention allemande au Kosovo, publication du manifeste Blair-Schröder) ont conforté le Sarrois dans son exil volontaire.

La Turquie juge et condamne Öcalan

Après avoir erré de pays en pays en quête d'un asile politique, Abdullah Öcalan est enlevé à Nairobi par les services turcs puis transféré dans l'île-prison d'Imrali, où l'attend un procès hypermédiatisé. Critiquée pour ses violations des droits de l'homme, la Turquie entend intenter un procès exemplaire au chef du PKK, mais en évitant d'en faire une tribune pour la question kurde, qu'elle persiste à ignorer.