Ces chiffres montrent que la pauvreté n'est pas liée uniquement au chômage, car un couple qui dispose d'un seul SMIC vit en deçà du seuil de pauvreté, et la proportion de pauvres parmi les salariés est passée de 3,4 % en 1984 à 4,7 % en 1994. Les véritables exclus ne représentent que 2 % environ des ménages, mais les sans-abri et les personnes vivant en foyer sont mal pris en compte par les statistiques, car les chiffres de l'INSEE sont basés sur une enquête à domicile. Pour l'INSEE, aux critères monétaires s'ajoutent l'absence de biens de consommation de base ou d'usage ordinaire et la perception qu'ont ces personnes de l'écart entre leurs revenus et le minimum nécessaire pour vivre.

Une « boîte à outils »

Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité du gouvernement de Lionel Jospin, a, dès octobre 1997, élaboré un plan triennal ambitieux, présenté le 4 mars 1998 en Conseil des ministres. Selon Martine Aubry, ce doit être une « boîte à outils » permettant de s'adapter aux situations individuelles. Ses objectifs sont de garantir l'accès aux droits fondamentaux, de prévenir les exclusions, de répondre aux situations d'urgence et de mieux agir contre les exclusions. La loi faisant suite à ce plan a été adoptée le 9 juillet. Le chômage étant l'un des facteurs essentiels du développement de la précarité, la loi a notamment pour objectif de mettre en place une démarche de prévention du chômage : appui personnalisé en vue du retour à l'emploi ; renforcement des missions locales et de l'ANPE ; un véritable parcours d'insertion destiné à offrir aux jeunes les plus en difficulté un trajet d'accès à l'emploi (programme TRACE) ; un objectif de 20 % des emplois-jeunes réservés aux quartiers en difficulté. Pour les adultes cumulant les handicaps professionnels et sociaux, le projet prévoit la mise en place de réponses adaptées et un renforcement du secteur de l'insertion par l'activité économique (entreprises d'insertion).

Un autre point traite, pour la première fois, les situations d'exclusion en amont, dans toutes leurs dimensions, ce qui constitue un changement d'approche important : aménagement des minima sociaux, permettant notamment le cumul du RMI et de l'allocation spéciale de solidarité ou de parent isolé ; mesures sur le logement social, sur la prévention ou l'aménagement des expulsions, sur les coupures d'eau, de gaz et d'électricité. S'y ajoutent des mesures sur le surendettement et les fonds d'urgence. Cette première loi sera complétée par deux autres : l'une sur l'accès à la Justice et l'amélioration des relations entre l'Administration et le public, l'autre sur l'instauration d'une « couverture maladie universelle ».

S. E.-S.

La lutte contre l'exclusion en chiffres

Le gouvernement a annoncé que le programme serait doté de 51,4 milliards de francs pour les années 1998 à 2000. Le financement proviendra à la fois de l'État, du Fonds social européen, de la participation des collectivités locales et des organismes de protection sociale, et d'une répartition nouvelle de ressources déjà provisionnées. Les deux tiers de ces sommes sont destinées à l'emploi, plus de 10 % à la santé, près de 10 % à la revalorisation des fonds sociaux, et le reste au logement, à l'éducation et à l'action sociale. Il s'agit de mettre en place un autre traitement de l'urgence, fondé sur la prise en compte de l'ensemble des éléments susceptibles de conduire à des situations de détresse grave, sur un traitement personnalisé, au plus près des situations concrètes, afin de conforter ou de restaurer une égalité de traitement entre citoyens. Ainsi, il s'efforce de repenser, de coordonner et d'unifier les mesures existantes, d'en ajouter de nouvelles qui ne fassent pas double emploi avec l'existant, en faisant appel à l'effort de toutes les instances publiques et associatives.

La gauche et la famille

La déclaration de politique générale de Lionel Jospin, lors de son arrivée au pouvoir en juin 1997, soulignait son souci de mettre en place une politique redistributive des revenus, qui passe, en particulier, par une réforme des prestations sociales, dont les allocations familiales. C'était là prendre un pari difficile, étant donné la complexité des problèmes posés.