Décembre 1996 : juste avant la dissolution de l'Assemblée Nationale, Jacques Chirac donnait le premier coup d'envoi, – tué dans l'œuf –, de la réforme de la justice. Puis vint le rapport Truche et le lancement, début 1998, de la réforme du gouvernement de Lionel Jospin.

Douze mois plus tard, la tentative socialiste avait pris un retard préoccupant. Des cinq projets de lois amorcés depuis le début de l'année, un seul (celui concernant la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature) était quasiment arrivé au terme de la procédure législative. Les textes concernant la présomption d'innocence rencontraient des difficultés jusque dans le camp politique d'Élisabeth Guigou, garde des Sceaux et véritable artisan de la réforme. Reprochant à la ministre de la justice de n'être pas allée assez loin, les députés socialistes préparaient fin décembre un grand nombre d'amendements, destinés notamment à élargir l'interdiction de la détention provisoire et à restreindre le pouvoir des juges d'instruction, pourtant déjà bien amoindri par le projet de loi.

S'agissant des projets visant à réformer les rapports entre la chancellerie et les procureurs, les rapports entre gouvernement et députés promettaient d'être encore plus conflictuels. Rappelons que dans leur état actuel, ces textes abolissent toute instruction individuelle (c'est-à-dire émanant du pouvoir exécutif) aux parquets dans les dossiers particuliers. Ils accentuent par ailleurs la hiérarchisation des procureurs – rançon, dit-on, de leur plus grande indépendance. Quoique toujours nommés sur proposition du ministre de la justice, les procureurs généraux ne pourraient en effet entrer en fonction qu'après avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) – la carrière des autres magistrats du parquet échappant en principe au pouvoir politique.

Provoquant réticences et oppositions, ces textes ne pouvaient en tout état de cause être adoptés avant le projet de loi portant réforme du CSM. Or, à la fin décembre 1998, l'Élysée tardait toujours à réunir le congrès qui devait entériner définitivement un texte pourtant déjà voté dans les mêmes termes par l'Assemblée Nationale et le Sénat. Or, si la réforme du CSM n'était pas votée en Congrès avant que les autres projets concernant la justice fussent définitivement adoptés par le Parlement, la réunion du congrès serait, compte tenu de l'encombrement du calendrier parlementaire, repoussée à l'an 2000...

J. F. P.

Le casse-tête des projets en cours :

Initiée par Élisabeth Guigou, garde des Sceaux, la réforme de la Justice a pris la forme de cinq projets de lois, tous amorcés au cours de l'année 1998 :
1 – L'accès au droit pour les plus démunis : il devait être examiné le 10 décembre, en deuxième lecture à l'Assemblée Nationale.
2 – La simplification des procédures pénales : Texte examiné en deuxième lecture à l'Assemblée Nationale au cours du premier trimestre 1998.
3 – La présomption d'innocence et la détention provisoire : deux textes qui devraient être examinés en première lecture par l'Assemblée Nationale, à la fin du mois de mars 1999.
4 – Les rapports entre la chancellerie et les procureurs : textes devant être examinés en première lecture par l'Assemblée Nationale, au cours du deuxième trimestre 1999.
5 – La réforme du CSM : premier texte voté en termes identiques par l'Assemblée Nationale et le Sénat. Il est en attente d'une approbation par le Congrès. Le texte adopté devrait faire l'objet d'une loi organique qui réglementera le statut des magistrats.

Le Sénat sur la sellette

Seconde chambre du Parlement, qu'il constitue avec l'Assemblée nationale, procédant du suffrage universel, doté de pouvoirs législatifs et de pouvoirs de contrôle significatifs, le Sénat assume une mission spécifique, prévue par l'article 24 de la Constitution : représenter les collectivités territoriales de la République et les Français établis hors de France. Cette forme particulière d'expression de la souveraineté nationale explique son mode de recrutement original.