B. M.

La bataille sur le terrain des élections

À l'occasion des régionales, Bruno Mégret n'a gagné qu'une bataille dans la guerre qui l'oppose à Jean-Marie Le Pen. Ce dernier, en réclamant pour son compte, de façon provocante, la présidence de la Région Paca en guise de renvoi d'ascenseur, a vite tenu à rappeler à ceux qui avaient tendance à l'enterrer – et en particulier Bruno Mégret – qu'il fallait toujours compter sur lui. Et ce d'autant plus que, lors des élections cantonales et, de manière encore plus éclatante, lors de la législative partielle de Toulon, le 4 mai 1998, devant élire le remplaçant du seul élu FN – Jean-Marie Le Chevallier – déclaré inéligible par la justice, la stratégie de Mégret a montré ses limites. Une partie de la droite républicaine s'est « fracassée » sur l'écueil des régionales, et Charles Millon s'essaie, avec son mouvement, à une hasardeuse recomposition de l'opposition incluant des électeurs du FN.

Les lycéens français veulent de meilleures conditions d'étude

Parti de province début octobre, le mouvement lycéen a très vite pris une ampleur nationale. Devant la mobilisation de la jeunesse, le gouvernement reconnaît l'« urgence » d'une réforme des lycées. Dès le 21 octobre, Claude Allègre annonce un plan d'action étayé par une série de mesures à court terme. Le mouvement lycéen n'y résiste pas, mais il a sans doute durablement marqué la jeunesse.

Les lycées de France n'ont plus le cœur à l'étude : locaux insuffisants et mal entretenus, peu de professeurs pour des classes surpeuplées et accablées par des programmes trop chargés, les motifs de mécontentement sont désespérément les mêmes chaque année pour des lycéens qui ne supportent plus de voir leurs griefs ignorés. À peine rentrées, les classes sont donc sorties dans la rue, où les lycéens engagent l'épreuve de force avec le gouvernement. Parti de province, ce vent de fronde prend la dimension d'un mouvement organisé et d'envergure nationale, dont la spontanéité n'ôte rien à une détermination puisée dans des années de vaines revendications. Le 15 octobre, un demi-million de jeunes défilent dans les villes de France pour réclamer de meilleures conditions d'étude, prouvant le sérieux de leur mouvement. Et le gouvernement l'a pris d'autant plus au sérieux que les lycéens ont touché un point sensible, cette réforme des lycées voulue par M. Jospin quand il était ministre de l'Éducation et dont Claude Allègre, donnant raison aux lycéens, reconnaît aujourd'hui l'« urgence ». Le 21 octobre, le ministre de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie annonce un « plan d'action immédiat pour l'avenir des lycées ». Les effets de celui-ci seront plus immédiats encore sur le mouvement lycéen : même si les modalités d'application de ce plan d'environ 4,7 milliards de francs, qui sollicite largement les Régions, demandent à être précisées, les promesses du gouvernement, étayées par des mesures concrètes à court terme prévoyant de nouveaux postes d'enseignants et un allégement accéléré des programmes, ont relâché la mobilisation. Le 5 novembre, les lycéens ne sont plus que 30 000 à fouler le pavé des villes de France ; signant la fin du mouvement, le retour des vacances de la Toussaint apparaît comme la véritable rentrée des classes dans des lycées profondément marqués par les luttes d'octobre. Car, si le mouvement semble s'être éteint aussi vite qu'il était né, on aurait tort de n'y voir qu'une poussée de fièvre passagère ; renvoyant l'image de la France de demain, les jeunes manifestants en ont traduit les malaises et les espoirs : l'élément féminin, majoritaire, parlait en faveur de l'égalité des sexes, et les banlieues, très présentes aussi, plaidaient pour l'intégration des communautés immigrées, récusant l'amalgame avec les bandes de casseurs qui ont sévi lors de la première manifestation. Travaux pratiques de civisme, ces manifestations ont confirmé l'émergence d'une conscience lycéenne forte, avec laquelle il faudra compter lors des débats de fond que devrait susciter la réforme annoncée des lycées.